Association de Psychologues Cliniciens d'Orientation Freudienne

Conclusion de la Journée : à la clinique de la désinsertion, la clinique du détail.

Dario MORALES

Au cours de la Journée nos invités ont décrit les moments de rupture, de séparation, qui mènent le plus souvent à la solitude ; moments où l’être qui nous vient du langage se rompt. Si l’être se rompt c’est que le savoir qui remplit l’être peut se rompre dans le lien, dans le délire, dans le lapsus. Dans ces ruptures se vérifie ce qui fait symptôme pour le sujet, pour tout sujet : la femme, la vérité, la jouissance, le lien social. Parfois le sujet y échappe par l’addiction, comme nous l’avons évoqué en début d’après midi ou bien il y échappe par l’ironie, c’est-à-dire en ravalant l’Autre à être un pur objet, ou déchet. Parfois le sujet cherche des solutions prêt-à-porter, un savoir offrant des ressources « normalisés » : il veut être comme tout le monde et pourtant il ne trouve pas sa place.

La rencontre avec les cliniciens dans la diversité illustre bien comment, malgré la désinsertion sociale, langagière, le sujet se trouve inséré, dépendant, dès sa naissance, de la langue fondamentale celle qu’il hérite du discours familial, culturel et qui soutien sa réalité. Ce discours était censé lui organiser un espace social. Bien sûr, l’entrée dans la langue fondamentale échoue parfois et va jusqu’à l’handicaper. La clinique devra alors tenir compte de cette dépendance qui est de structure, sert de suppléance à la forclusion du Nom-du-Père sur la scène sociale.

La clinique que nous avons montrée aujourd’hui, dans sa diversité, renonce à l’insertion forcée, illusion de l’insertion sociale, au profit de la dialectique par le transfert qui ne vise pas l’identification voire l’adaptation à la masse ou au groupe – exposés de Flavia Hofsteter, Françoise Burlot et Véronique Saadi -, mais se propose d’être le partenaire dans la construction subjective du symptôme. Comme telle, la clinique ne s’oppose pas à l’évaluation, si cette évaluation repose sur l’action clinique et non sur la référence à des protocoles standards. Cela nous amène à combattre l’évaluation de type cognitiviste.

D’où l’idée que la clinique ne peut se concevoir que si elle distingue la question du soin et la clinique du sujet. Les cas de psychose présentés illustrent bien ces propos : le psychotique est mobilisé par le désir de désinsertion, il incarne la haine de soi, qu’il situe dans l’autre intrusif, envahissant : d’un côté c’est la désinsertion comme réponse au risque de l’apparition de l’objet a ; de l’autre, le clinicien veut soutenir un espace, un intervalle – d’où le nom de l’Institution que nous avons invité aujourd’hui -, sans réduire le sujet à être un pur objet de soins. Le clinicien travaille dans la recherche d’un intervalle indispensable entre le sujet et l’Autre, afin de permettre une médiation, c’est la fameuse « pulsion de santé » évoquée par Alain Mercuel, le souci de soi, du corps, médiation lorsque la parole fait défaut, pour éviter l’imminence du passage à l’acte.

Au fond, à la clinique de la norme, de l’adaptation s’oppose la clinique du détail, du sujet. Voilà le projet à poursuivre : le sujet vient en consultation avec un risque de passage à l’acte et il repart avec sa solution, même si elle est fragile. Au mieux, elle lui servira de rempart, de voie d’issue à cette haine de soi qui – faute de pouvoir faire lien social – va se situer pour lui du coté de l’autre envahissant.