Association de Psychologues Cliniciens d'Orientation Freudienne

Derrière la scène, les coulisses du décor

Thatshayini SIVANANTHAN

Maxime est un garçon de 6 ans scolarisé en CP. Il a un frère de 2 ans son aîné. Ses parents se sont séparés peu avant le début du suivi au cmpp, en mars 2013, il a alors 3 ans. Je reprends le suivi en janvier 2014. Maxime a été amené en consultation par sa mère, sur les conseils de l’école. Maxime a alors des comportements agressifs, tape ses camarades, en particulier les petites filles et est décrit comme très nerveux. La mère de Maxime commence par expliquer qu’elle voulait que ses fils rencontrent un psychologue parce que, comme elle, ils avaient certainement des choses qu’ils ne pouvaient pas dire à leurs parents. Le père de Maxime, quant à lui, refusait dans un 1er temps cette démarche pour ses enfants puis il a fini par donner son accord. Lui-même ne se déplacera jamais pour rencontrer les thérapeutes de ses enfants.

Mme M. s’est séparée du père de ses enfants avec l’aide d’une assistante sociale. Elle parle d’emblée des violences qu’elle a subies et des relations conflictuelles entretenues par son ex-mari encore aujourd’hui. Elle craint que son ex-mari s’en prenne à leurs enfants aussi. La garde des enfants est source de litiges. L’un et l’autre portent de nombreuses plaintes au commissariat. Mme a obtenu une interdiction de sortie du territoire pour ses enfants. Mme M. décrit Maxime dans une identification à son ex-mari : « il regarde tout ce que fait son père et refait pareil à l’école ». Maxime, contrairement à son frère, ne disait rien pendant les accès de colère de son père envers sa mère, il restait là, sidéré. Toutefois, le jour où son père a jeté la trottinette de Maxime sur sa mère, il est allé dans sa chambre et a pleuré.

L’effraction

Lors de la première consultation, Maxime parle de cette scène. Il dit que son père a jeté sa trottinette sur sa mère et qu’il a emmené l’ordinateur. Les consultations suivantes, il met en scène l’intrusion d’un voleur dans la maison de poupée. Ce voleur casse tout et jette tout hors de la maison. Il est en colère et met le feu à la maison. Face à cette scène de destruction sans limite, je propose l’intervention des pompiers. Maxime fait maintenant jouer des « gentils » contre un méchant. Ces jeux se répètent, quelque chose ne passe pas.

Je propose : « mais ils se laissent faire les gentils ? Pourtant ils sont plus nombreux ». Alors les gentils réussissent à vaincre le méchant, à le repousser. Mais il est toujours prêt à revenir. Mais qu’est-ce qui fait effraction pour ce petit garçon ?

L’oralité

Lors d’un jeu avec de la pâte à modeler, les choses se précisent : les méchants, les grands, mangent les gentils, les petits.

Il s’agit d’un papa patate qui est mangé par un méchant : il est dans le ventre du méchant. Il revient et est lui-même devenu méchant. Alors il veut manger le bébé patate qui va se cacher. Le papa patate rapetisse car il a bu le coca qui rend petit. Alors le bébé patate va lui chercher le coca pour le faire grandir mais il meurt, le père, car le bébé s’est trompé. Mais il le ressuscite en lui faisant boire quelque chose d’autre. La culpabilité de Maxime se lit dans cette séquence. Ensuite, le grand frère mange son petit frère. La maman en rose a également des bébés dans le ventre. Le méchant cochon mange les bébés.

Le risque, c’est que ce petit garçon soit mangé. C’est là son fantasme. En effet, dans la scène de violence conjugale dont Maxime est témoin, il est question de la jouissance maternelle. Jouissance qui semble-t-il est satisfaite par l’objet de Maxime. Il risque lui-même d’être l’objet de cette toute-puissance maternelle.

La pulsion scopique

Un peu plus tard dans le suivi, Maxime, qui fuyait mon regard au début, dit avoir la capacité de voir à travers les murs, il a des certitudes : « je sais moi ». Il parle de caméras cachées dans les murs et qui lui permettraient de surveiller s’il y a des voleurs dans la maison. Le plaisir est celui de voir à ce moment-là. Un jour, devant un assemblage de lego, il me dit « ça fait un truc méchant, un Crocodile ». Le fameux méchant de toutes ses histoires qui pille et casse tout est un crocodile. Il roule dessus avec un tracteur, « il le détruit » dit Maxime. Je l’encourage « oui, voilà ». Là, il regarde une tour en Kapla réalisée par une autre patiente et me dis : « je pense qu’elle va être cassée », alors je dis « pourquoi tu veux la casser ? ». Là, face à mon intrusion, il m’attaque avec un serpent en bois auquel il fait prendre la forme de lettres et s’arrête au G : « ca fait G ! » s’exclame-t-il. Je propose : « j’ai (G) un serpent ? ». Il s’en saisit : « oui j’ai un serpent, c’est un petit serpent, il rentre dans le gros trou » dit-il en essayant de faire passer le serpent dans la tour qui vacille. Je l’arrête : « non, c’est interdit ! » Il rit et s’arrête.

A l’école, Maxime. n’embête plus personne, il ne fait plus de bêtises. Maxime, a réussi à se dégager de l’identification à son père. Mais il subsiste encore beaucoup d’agressivité et d’angoisses. Aujourd’hui, Marwan explique qu’il aide les autres avant de terminer son devoir en classe. C’est pour rendre sa copie en dernier et ainsi être sur le dessus de la pile. Son devoir sera le premier que sa maîtresse corrigera. Il cherche à plaire à cet objet d’amour. Le plaisir est celui d’être vu par cet objet. De la sidération à la vue des scènes de violence conjugale du couple parental, Maxime prend maintenant du plaisir à être vu.

La scène traumatique est le jet de la trottinette de Maxime. sur sa mère. Le trauma, subjectif, est lié au fantasme œdipien. Identifié à son père, sa trottinette venant heurter sa mère représente-t-elle la réalisation de son désir inconscient d’être celui qui satisfait la jouissance maternelle ?