Association de Psychologues Cliniciens d'Orientation Freudienne

La question du rythme dans l’invention maniaque – 10eme Journée – Ponctuer un itinéraire dans la psychose

Sylvia LIPPI

itineraire copyNous essayerons de penser la direction de la cure avec un sujet de structure mélancolique en phase maniaque, à partir d’un trait phénoménologique présent dans son discours et ses agissements : la vitesse. Nous analyserons la fonction de la vitesse dans la manie, à partir du rapport entre celle-ci et la surface moïque du sujet, autrement dit, l’unité imaginaire.

Une petite précision pour commencer : je considère la mélancolie comme une psychose, à la suite des éclaircissements apportés par Freud et Lacan. Lacan nous présente une lecture tout à fait essentielle de « Deuil et mélancolie » dans le dernier chapitre de son séminaire Le transfert, « Le deuil de l’analyste », et c’est à travers cette lecture qu’il apparaît clairement que la distinction structurale entre deuil (névrose) et mélancolie (psychose) est déjà présente, bien qu’elle ne soit pas exprimée de façon directe, dans les écrits de Freud. Je me limiterai à reprendre un passage de cette lecture, qui nous éclairera aussi sur les enjeux de la « défense » maniaque du cas analysé.

Dans la mélancolie, de même que dans la manie (l’autre face de la même médaille), ce n’est pas la problématique spéculaire qui hante le sujet : ce n’est pas autour de l’objet narcissique que tourne la question, mais autour de la faute, une faute radicale, existentielle, qui attaque le désir du sujet. Lacan le souligne dans ce passage sur la mélancolie : « L’objet y est, chose curieuse, beaucoup moins saisissable pour être certainement présent, et pour déclencher des effets infiniment plus catastrophiques, puisqu’ils vont jusqu’au tarissement de ce que Freud appelle le Trieb le plus fondamental, celui qui vous attache à la vie. » Et il ajoute : « “Je ne suis rien, je ne suis qu’une ordure”. Remarquez qu’il ne s’agit jamais de l’image spéculaire. Le mélancolique ne vous dit pas qu’il a mauvais mine, ou qu’il a une sale gueule, ou qu’il est tordu, mais qu’il est le dernier des derniers, qu’il entraîne des catastrophes pour toute sa parenté, etc. »1

Cette dernière thèse de Lacan paraît en opposition à celle de Freud qui dénomme la mélancolie comme « névrose narcissique », expression qui peut induire à confusion. Freud l’utilisera en opposition à celle de « névrose de transfert ». Dans l’acception freudienne, le terme « narcissique » doit être lu en dehors de l’acception « moïque », « égocentrique », « spéculaire » : il ne s’agit pas d’un trop grand amour de soi ; « narcissique » indique un repli du sujet sur lui-même, une impossibilité d’investissement de tout objet extérieur : c’est le cas notamment du deuil pathologique. S’il n’y a pas d’investissement d’objet extérieur pour le mélancolique, il n’y a pas non plus d’investissement de soi, c’est-à-dire du moi, moi comme phallus imaginaire. C’est plutôt le contraire : le mélancolique se considère le dernier des derniers, un déchet, une pourriture… son moi est complétement démoli (cela est amplement vérifié dans la clinique : le mélancolique en phase de crise, a tendance à se laisser aller, il ne mange plus, il ne se lave plus, etc.). Le sujet est identifié massivement à l’objet perdu et introjecté —il a l’objet en même temps qu’il est l’objet—, sans qu’aucune médiation imaginaire vienne faire écran entre le sujet et l’objet (conséquence de la forclusion du Nom-du-Père).

« Je sais que je parle vite, c’est ainsi que je me protège » me dit un jour Roxane, une patiente que je suis en thérapie depuis plusieurs années en institution psychiatrique. Roxane est une femme sur la quarantaine, connue dans le secteur depuis plusieurs années en raison de ses dépressions cycliques.

Quand je la rencontre, lors de sa première hospitalisation, Roxane est tout sauf déprimée, elle est pleine d’énergie, elle est même exubérante, surexcitée, et toujours de bonne humeur. Elle plaisante sur tout2, elle me fait rire, elle fait rire toute l’équipe, qui l’adore. Elle parle à une vitesse surprenante, sans arrêt, dans un flux de mots intarissable. Son discours reste cohérent, mais j’ai quand même beaucoup de mal à la suivre.

De son histoire, que j’arrive à construire après plusieurs mois de thérapie, je me limiterai à vous en donner les éléments essentiels. Un jour de fête, peu après la naissance de son dernier enfant eu avec son dernier compagnon, celui-ci cherche à étrangler le bébé et à tuer Roxane et ses autres enfants. L’homme est d’abord hospitalisé, passe en justice et se retrouve en prison. Il y restera deux ans. A sa sortie, il voudrait vivre à nouveau avec elle qui, bien sûr, refuse. Après environ cinq ans de harcèlement pour Roxane, l’homme meurt suite à l’absorption d’un mélange de drogue, alcool et médicaments. Suicide, hasard ? Suicide, me dit Roxane, elle en est sûre, et surtout elle se sent responsable —coupable— de n’avoir pas répondu à son appel. Notons que ce n’est pas l’événement dramatique advenu peu après la naissance de son plus jeune enfant qui est à l’origine de sa décompensation, mais le décès de son ex-compagnon. Pour Roxane, la mort de son compagnon a été plus traumatique que la tentative d’assassinat de ses enfants et d’elle-même. C’est à la suite de cette mort que Roxane décompense : variations de l’humeur de plus en plus manifestes, arrêt de travail, dettes, et apparition de « pseudo-hallucinations »3. Nous sommes face au tableau classique de la mélancolie : sentiment de faute inestimable + sentiment d’inanité pour n’avoir su sauver l’homme qu’elle aime + impossibilité de faire le deuil de cet homme + d’autres deuils dans son histoire (que par faute de temps je ne pourrai pas vous énoncer).

Pendant les séances, je n’interviens presque pas (il n’est pas facile de couper sa logorrhée) : je l’écoute (les sons de ses paroles, faute de sens…). Je l’écoute et elle parle, elle parle toute seule, comme si moi, son interlocuteur, j’avais complètement disparu. Roxane est infatigable : mais son énergie est accompagnée d’une agitation qui monte proportionnellement à son enthousiasme.

Roxane se donne à toute sorte de jeux des mots, calembours, coq-à-l’âne. Dans la langue parlée du maniaque, les mots s’associent par ressemblance et assonance, ou alors, elles s’expriment dans des expressions toutes faites. Roxane fait aussi de longues énumérations des activités qui la concernent (argent, médicaments, rendez-vous, etc.). Pour Roxanne, le chaos est le fruit de la recherche forcenée d’un ordre, dans sa tentative de stabiliser sa pensée : derrière le désordre dans son discours, il y a la recherche d’une organisation —une perfection— qui pourrait la sauver, pense-t-elle. « Je parle vite, je pense vite, je fais tout vite… c’est moi, je suis comme ça. Je me défends avec la vitesse… Je me défends contre la tristesse, contre la peur de m’accabler, de me sentir nulle, bonne à rien. La vitesse, c’est une carapace, c’est ma carapace, ma défense contre l’angoisse. Si je m’arrête, c’est la fin, je m’écroule » me dit-elle. Chaque pause est un retard, et le retard un vide, et le vide une chute, un nouvel effondrement pour le sujet. Comment éviter tout cela ? Comment s’en défendre ? Avec la vitesse. Il faut courir, sauter les étapes (dans le discours, la pensée, les actes), aller vite, plus vite… pour isoler le présent, le déconnecter du passé (un vécu anéantissant pour le sujet, un deuil impossible…), passé qui tirerait le sujet en arrière, le bloquerait dans un temps invivable, mort.

Dans la manie, la vitesse devient un ersatz du miroir. Roxane adhère à une identité qu’elle s’est donnée à elle-même à partir de la vitesse. La vitesse permet au maniaque de se créer une unité imaginaire, qui lui donne une forme, une « consistance », qui lui donne corps, pourrait-on dire. Freud considère la manie comme une défense narcissique : « triomphe du moi » l’appelle-t-il. La vitesse fait partie du processus, elle contribue à la reconstruction de l’image spéculaire défaillante dans la mélancolie (de façon provisoire, bien sûr). Roxane se sent rassurée par la vitesse (lorsqu’elle ne va pas bien, c’est souvent que « ça ne va pas assez vite ! ») ; la vitesse lui donne l’impression d’esquiver le néant, néant qui la fait cycliquement chuter.

Pensons à la vitesse de John Coltrane au saxophone : la spécificité de sa musique est liée à une obsession du plein associée au fractionnement des notes et à une surprenante vitesse d’exécution. Même structure dans le discours maniaque : dialectique entre le trop-plein —« remplissement spatial » dit Binswanger4— et la fracture, le recommencement absolu et le non-fini (cette fois-ci du sens). Dialectique qui s’instaure par la vitesse, par la fuite du sens, par l’évitement de toute suspension dans le discours : le son de chaque mot prononcé a une vitesse vertigineuse, devient du bruit insupportable, qui frappe —violemment, pulsionnellement— le sujet, comme son interlocuteur.

Dans la performance coltranienne, l’ensemble des notes, exécutées à une vitesse presque déraisonnable, engendre un surprenant sentiment d’unité : comme si le saxophoniste n’avait exécuté qu’une seule note. L’unité naît de la vitesse chez Coltrane : l’unité est donnée par l’ensemble des notes, dans leur paroxysme, dans leur éclatement sonore. Expansion et concentration : dans cet exploit musical, le narcissisme —la performance— du musicien est bien sûr convoqué/e.

Dans la manie, pouvoir du semblant, pouvoir moïque dit Freud, mais aussi pouvoir de détruire, remplacer, mobiliser, grâce à la vitesse. Pouvoir de se perdre et surtout de pousser l’Autre/autre à perdre (perdre l’ordre du discours, la structure du raisonnement, etc.). Manière de ne pas « se situer », de ne pas être dans la vie, ni dans la mort. Etre en dehors du temps, mais comment tenir dans l’instabilité de la vitesse ? Puissance qui devient déséquilibre inconstance, vertige… qui se transforme en risque, parfois jusqu’au risque de mort (rappelons que Lacan, dans Télévision, considère le passage à l’acte suicidaire comme une attaque maniaque). Mais le risque est encore une forme de puissance.

Vitesse, unité, mais aussi risque d’anéantissement. Dans le trop-plein et dans le trop-vite (de la musique, de la parole maniaque), il y a une « fuite-poursuite » de la mort5 : on cherche à la fuir, mais on la retrouve, malgré soi. Plus on va vite et plus on repousse la mort, mais en même temps on se précipite vers elle (Paul Virilio). Le sujet veut aller jusqu’au bout, à toute vitesse : il y a une précipitation du processus d’autodestruction. Vitesse comme parcours qui va de l’unité à l’explosion. Comment esquiver l’éclatement subjectif ? Est-il possible de trouver un équilibre, un rythme ? Si oui, comment le maintenir ?

Comme s’il lui manquait du rythme, Roxane erre. La question du rythme est centrale dans la psychose. Le rythme est en relation avec la loi, mais le rythme ne correspond pas à la loi, il est plutôt sa transgression. Dans l’expression musicale, la loi est donnée par le tempo. Rythme et tempo, bien que renvoyant à la même instance (le temps), désignent des phénomènes différents en musique. Le tempo indique la vitesse, c’est-à-dire le mouvement de rapidité d’exécution d’une musique, vitesse qui reste constante tout au long de l’œuvre (allegro, largo, lento, adagio, etc.). Le rythme concerne la durée des notes les unes par rapport aux autres, et il peut varier, bien sûr.

C’est à partir du rythme qu’il y a de l’espace et du temps, et donc du sujet : le rythme crée le mouvement, il constitue l’alternance de la présence et de l’absence, des oui et des non, des pleins et des vides. Dans la psychose, le risque est qu’il n’y ait que de la présence, des oui (pensons au « trop-plein » dans la manie). Le rythme instaure la dialectique entre la vie et la mort dans le sujet. Cette dialectique trouve une solution radicale dans la manie : elle s’abolit en abolissant le rythme. Coincé dans son accélération existentielle —mouvement vertigineux et continu—, le maniaque s’immobilise psychiquement : il n’arrive plus à gérer les variations, les changements temporels, dans son existence. Emporté par la vitesse, le sujet éclate. Car dans la manie, il n’y a pas d’espace véritablement mobile. Tout reste égal à soi-même, sans rythme.

La vie de Roxane tourne autour d’un deuil pathologique. Il n’y a pas de mouvement, la vitesse ne se transforme pas en rythme. Le réel revient toujours à la même place, mais ce n’est pas une répétition : car la répétition est déjà rythme. Roxane est cycliquement hospitalisée, n’arrivant pas à gérer dans le temps ses activités, son argent, sa santé, sa vie de mère, etc. Ce cycle est monotone et ne contient pas de changements rythmiques.

Le sujet est dans une boucle, toujours la même. Chaque tentative d’issue est rendu vaine, car toute diversion (changement de discours, de pensée, d’activités, ect.) est encore pris dans le même cycle. Le cycle se transforme en entropie, la répétition dissipe son pouvoir de créer du nouveau et d’aménager du rythme. Le sujet est perdu (dans ses actes, dans ses pensées, dans ses paroles, etc.), doublement emporté : par la vitesse, et par le mouvement cyclique de la boucle.

La vitesse dans la manie (à la différence de la musique de Coltrane), ne produit pas du rythme. C’est alors que la présence de l’analyste se fait déterminante, car elle permet la création du rythme6. Comment créer des lieux de passage, des espaces transitionnels, des intervalles, afin qu’un rythme puisse s’amorcer ?

Comment déterminer ce qui fait qu’il y aura du rythme dans un discours est difficile à définir. Wittgenstein aurait pu dire qu’il faut des contenus qui ne constituent rien de dicible, mais qui peuvent seulement se montrer. Lacan signale à plusieurs reprises le point de limite du signifiant, d’un signifiant bavard et autoritaire. A la place de l’interprétation, il s’agit de proposer autre chose, quelque chose de montrable, comme le geste de Saint Jean dans le tableau de Léonard de Vinci7. Le simple geste de montrer : une « vision » dans le silence —le silence se montre !—, c’est là que se concentre la force de l’acte analytique. La parole instaure du rythme lorsqu’elle se tait. Par le silence, elle montre ce qui n’est pas exprimable. Toute parole venant du dehors et faisant intrusion dans le discours de Roxane ne fait pas intervalle, ne produit aucun effet de coupure : Roxane écoute, elle commence à répondre, mais après une courte ébauche de réponse, elle continue son monologue interrompu, en reprenant le même thème ou en se lançant dans un nouveau. Roxane parle… vite, toujours plus vite… et seule, toute seule. Rien —du côté de l’« Autre » comme de l’« autre »— ne peut s’inscrire dans son discours et venir l’interrompre. Elle parle encore, vite, plus vite, jusqu’au moment où la machine verbale se bloque. Enfin, Roxane s’arrête : la vitesse a précipité l’événement. La parole est entravée : c’est le silence. Avec le silence, un autre espace se forme, espace pour une autre parole, pour une autre existence, et pour une entente avec l’autre/Autre.

La vitesse épuise la parole de Roxane, jusqu’à l’anéantir. C’est là que le silence fait son entrée. Un intervalle se présente venant faire coupure dans le trop-plein de son discours. Une faille s’est désormais produite, faille qui devient passage, poros —issue— pour le sujet. Le silence se crée, pour Roxane, à partir de la vitesse, qui s’estompe et finit par engendrer du vide (qui n’est pas néant).

Attendre. Ne pas intervenir. Tout en étant . Etre . L’être-là de Heidegger, l’être-là-du-désir (de l’analyste) de Lacan. Etre-là, mais sans dépendre d’Autre chose8 (l’être-là avec un sujet névrosé est différent : l’analyste est en tant que sujet-supposé-savoir). L’audace de rompre avec la référence : transgression —rythme— dans la cure. C’est dans la dialectique entre l’être-là —du sujet, du désir— et le silence que le rythme s’instaure. Silence qui veut dire aussi, pour l’analyste, ne pas intervenir en tant que « loi », en tant que « grand Autre ».

Je n’ai pas mis de barrières, de limites, de cadences au discours de Roxane lorsqu’il se faisait diffluent, je ne lui ai pas donné de direction, je ne lui ai pas donné de contenant. J’ai attendu. J’ai attendu que le sujet trouve ses propres scansions et coupures —son propre rythme—, ce qui s’est produit à un certain moment de la cure. Le rythme lutte avec l’immobilité dans la manie. Si un rythme arrive à se mettre en place, il s’agira d’un rythme qui ne sera pas dans un tempo (régulier, constant, repérable), mais une sorte de polyrythmie, une polyrythmie en dehors du tempo de base (pensons au free-jazz).

Un certain rythme peut s’installer, pour le maniaque, à partir du comique. La présence (l’être-là) de l’interlocuteur, qui « ressurgit » grâce à la réaction provoquée par la parole comique du maniaque, permet l’« effet miroir » (altérité + unité), sorte de « compensation » qui se montre efficace dans la psychose. Ce n’est pas seulement le non-sens, l’incongruité et l’excentricité du discours maniaque qui font rire. Pour faire rire, il faut du rythme : la construction de la phrase doit avoir un certain rapport à la temporalité, pour provoquer l’hilarité dans celui qui l’écoute. Le rire de l’autre (effet miroir) et le rythme interne de la parole comique arrachent le maniaque de l’espace immobile dans lequel il se trouve (Pommier).

Rythme : entre le silence et le comique. Et l’attente, attente comme swing9. Attendre la manifestation du sujet, attendre que celui-ci trouve finalement son espace, sa vitesse, son rythme. Un rythme pluriel, irrégulier, discontinu, car le rythme, dans la manie, ne s’instaure pas à partir de la loi, à partir du Nom-du-Père, à partir du symbolique : il est rythme hors du tempo, comme dans le free jazz.

L’attente n’est pas « immobilité ». Attente comme ouvert, vide (un vide qui n’est pas précipice). Attente comme écoute : écoute pour l’analyste, écoute pour l’analysant. « Il suffit d’écouter le rythme », affirme le danseur de claquettes Gregory Hines dans le film Tap dance10 : il suffit d’attendre de l’entendre, le rythme, pour le retrouver dans la parole, dans la pensée, dans la vie, dans l’art. Encore une fois, « attente de l’inattendu »11, pour paraphraser Héraclite. Ou plus pratiquement, attente d’une nouvelle mise en place, d’un nouveau setting, d’un nouveau swing, d’un nouveau rythme dans la cure, donné cette fois-ci, par le sujet.

1Jacques Lacan, Le transfert, p. 463.

2« Le maniaque est capable de se réjouir de tout, de plaisanter de tout. Rien n’atteint sa “bonne humeur”, ni la mort d’un proche, ni ce qui la fait au fond souffrir. Les paroles du maniaque fusent comme des objets volants. » Ludwig Binswanger, Le problème de l’espace en psychopathologie, p. 37.

3Roxane les appelle « fantômes ». Henri Ey distingue les pseudo-hallucinations des hallucinations proprement dites. Celles-ci ont une localisation spatiale « externe », tandis que dans les pseudo-hallucinations, la localisation est « interne ». L’activité hallucinatoire est vécue par le sujet dans son imagination ou sa pensée, en tant que phénomènes étranges ayant une « objectivité psychique », mais il leur manque une objectivité extérieure, une « objectivité spatiale ». Henri Ey, Paul Bernard, Charles Brisset, Manuel de psychiatrie, pp. 117-118, entrées : « Hallucinations psychosensorielles » et « Hallucinations psychiques ou pseudo-hallucinations ».

4Ludwig Binswanger, Sur la fuite des idées, p. 58.

5L’obstination de la musique coltranienne « fuit-poursuit la mort » soutient Alain Gerber. Alain Gerber, Le cas Coltrane, p. 43.

6Jean Oury, Création et schizophrénie, p.178. Il continue : « Quand on dit “création d’espace”, c’est création de ce qui fait qu’il y aura de l’espace. Ce n’est même pas le proto-espace, mais le fait qu’il y ait de l’ “enforme”, ce que j’avais appelé le “rythme”. » (p. 115).

7Jean Lacan, « La direction de la cure », in Ecrits, p. 641.

8Car, comme dit Lacan, « il n’y a pas d’Autre de l’Autre” ». Jacques Lacan, « Subversion du sujet et dialectique du désir », p. 813.

9Moment de retrait de la baguette du batteur : c’est le swing selon Aldo Romano. Comme l’attente dans la cure, moment de retrait en quelque sorte.

10Nick Castle, Tap dance, USA, 1989.

11Pensons à la syncope en musique. La syncope est un élément rythmique en conflit avec la mesure. Elle est perçue par l’auditeur comme un déplacement de l’accent attendu. Pour tout approfondissement voir Jean-Luc Nancy, Le discours de la syncope, Paris, Galilée, 1976.