Association de Psychologues Cliniciens d'Orientation Freudienne

Lecture épistémologique de la thèse de Lacan

Florent Gabarron-Garcia

Qui a lu la thèse de Lacan ?

Nous allons exposer notre lecture épistémologique de la thèse de Lacan, De la psychose paranoïaque dans ses rapports avec la personnalité1, lecture que nous avons eu l’occasion de développer dans le cadre d’un mémoire de Master II de psychanalyse au département de Paris 8 sous la direction de Serge Cottet en 2007.

Comme on le sait, la thèse de Lacan est son premier travail d’envergure. Tout le monde tombe d’accord sur ce point et, Lacan, lui-même le confirme : dans ces premiers articles, il nous dit qu’il restait dans l’ombre de ses maîtres et de leurs conceptions organicistes2. Cependant, s’il s’autorise un tel écart, s’il s’autorise de développer une autre conception, la question est de savoir de quoi elle relève, ou, quel est le pas qu’il fait. La réponse classique des historiens à cette question est de dire que cette nouvelle conception relève de la psychanalyse. Toute la deuxième partie de cet ouvrage est consacrée, on le sait, à l’interprétation psychanalytique d’Aimée. C’est dans cette fameuse deuxième partie, que Lacan fait la part belle à Freud. Cependant, et c’est là que se situe notre question, cela saurait-il faire de sa thèse un ouvrage dont le cœur serait psychanalytique ? C’est cette idée bien admise, soutenue par la majorité de commentateurs3, que nous avons longuement problématisée dans notre travail de recherche, et c’est cette idée à l’encontre de laquelle nous allons. À cet égard, Lacan à propos de ses « Antécédents » ne faisait-il pas déjà remarquer ce défaut, dont il s’étonnait : « Il arrive que nos élèves se leurrent dans nos écrits de trouver « déjà là » ce à quoi notre enseignement nous a porté depuis. N’est-ce pas assez que ce qui est là n’ait pas barré le chemin ?»4. Nous reprendrons donc sa question à notre compte au sujet de sa thèse : qu’est-ce qu’il y a là dans sa thèse qui n’a pas barré le chemin (vers la psychanalyse) et qui n’est pas déjà là (c’est à dire qui ne relève pas encore de la psychanalyse) ?

Très paradoxalement, c’est plutôt du côté des critiques de la psychanalyse que nous trouvons un certains nombre d’indices. Dans notre perspective heuristique écoutons Deleuze qui, dans un cours à Vincennes, nous dit, non sans malice: « Pour mon plaisir, je pense que la thèse de Lacan, que Lacan avait éditée, sur la psychose paranoïaque, est encore mais d’un bout à l’autre traversée d’une vision personnologique, qui sera absolument l’opposée des thèses qu’il défendra ensuite. »5

À l’encontre des commentaires classiques, il faut reconnaître que Deleuze vise juste lorsqu’il use du terme « personnologique », car le premier geste de Lacan est bien dans sa thèse d’inaugurer une science nouvelle qu’il baptise du nom de “science de la personnalité” et qui ne se rapporte pas à la psychanalyse6.

Ce constat est lourd de conséquences pour l’interprète et il s’agit d’en tirer toutes les conséquences méthodologiques : pour bien lire son premier travail d’envergure il convient de procéder, en quelque sorte, à un renversement copernicien : c’est au sein de cette science nouvelle que Lacan fonde et qu’il nomme science de la personnalité, que la psychanalyse et la clinique d’Aimée trouvent une place et non pas l’inverse7. Il convient dès lors de sortir du débat strictement autour de la psychanalyse car Lacan convoque aussi bien la psychiatrie, la sociologie, la philosophie, disciplines qui sont toutes appréhendées au sein de son nouveau paradigme. En d’autres termes, répétons le, le premier geste théorique de Lacan n’est pas psychanalytique : il s’agit donc de se déprendre de la lecture commune freudo-centrée8, et de revenir à la lettre du texte de la thèse. Lacan dans sa thèse développe en effet une science, qui n’a pas eu jusqu’alors l’attention qu’elle méritait, et si elle est tombée en désuétude, elle n’en demeure pas moins un système cohérent tout à fait irréductible. Et, c’est précisément en raison de cette ambition théorique que Lacan, à cette époque, n’est ni freudien, ni psychanalyste. Sans compter que, pour une part, Lacan est nécessairement tributaire de la psychanalyse « à la française » promulguée par Pichon9 dont il était proche à cette époque. Ainsi dans sa thèse, il estime notamment que la psychanalyse n’est pas assez objective : il critique sans ménagement ce qu’il appelle le « symbolisme freudien » qu’il n’hésite pas à taxer de « complexe et d’éloigné ». Cette critique du « symbolisme flou » qu’adresse Lacan à la psychanalyse et à Freud est alors monnaie courante en France. Faut-il rappeler qu’à cette époque Freud parlait de « l’obstacle français » eu égard à la question de la réception de la psychanalyse10 ? A ce moment, la psychanalyse en France est essentiellement appréhendée comme une simple technique qui doit être soumis à l’ordre médical organiciste11. Mais si Lacan est tributaire des conceptions de son temps, au moins pour une large part, il est vrai qu’il ne soumettra pas la psychanalyse à l’ordre médical organiciste, mais à sa science de la personnalité.

Une révolution dans le champ psy : le paradigme caractéro-consitutionnaliste et la science de la personnalité.

L’ambition de Lacan est immense : fonder une science nouvelle nécessite évidemment de grands moyens. Sa thèse développe donc une culture encyclopédique. Non seulement c’est tout l’édifice de la psychiatrie et de la psychologie naturaliste de son temps qu’il va remettre en cause, mais c’est aussi la philosophie et la science sociologique qu’il va convoquer pour mener à bien son entreprise. C’est que la science de la personnalité doit régner sur les autres sciences. C’est ainsi qu’il engage une discussion avec les principaux acteurs théoriques de chaque discipline dont on peut retenir quelque noms : de Ribot ou Janet pour la psychologie, en passant par Freud pour la psychanalyse et Kraepelin, Kretschmer ou Klages pour la psychiatrie, ou Lévy-Bruhl pour la sociologie. Évidemment cette discussion ne se limite pas à ces quelques figures théoriques et de la même manière que les sciences de l’homme des années soixante sont marquées par l’influence quasi hégémonique du paradigme structuraliste on peut repérer dans ces années trente un paradigme des sciences de l’Homme. En effet à se pencher sur le corpus de références bibliographique de la thèse de Lacan, on remarque que quel que soit le domaine investi par Lacan et au-delà des différences disciplinaires, les sciences de l’homme se structurent autour de débats portant sur des problèmes relatifs à la caractérologie (étude des caractères) et au constitutionalisme (étude des constitutions qui forment une personne). De la philosophie à la psychologie en passant par la psychiatrie ou la littérature, ces théories sont débattues. Si on peut distinguer ces deux champs d’investigation, ils sont dans la thèse le plus souvent confondus, et Lacan n’hésite pas à parler des théories caractéro-constitutionalistes et ce à juste titre si l’on se réfère aux historiens de la psychiatrie: « Physiologues et médecins, surtout observateurs du corps, ont décrit des morphotypes et des biotypes (constitutions, plutôt anatomiques ; tempéraments, plutôt physiologiques), auxquels ils ont rattaché des traits de caractère de nature psychologique, tandis que psychologues et moralistes ont plus particulièrement nommé caractères les structures psychologiques fondamentales sous-jacentes à la personnalité et susceptibles de regroupement ; des morphopsychologues ont tenté de trouver des corrélations entre caractères et morphotypes»12.

Ces quelques commentaires nous plongent dans « l’ambiance » de la période. Il existe bien un paradigme caractéro-constitutionaliste des sciences de l’homme dont l’orientation, pour une large part (sinon l’essentielle), est clairement naturaliste. À cet égard, les sciences psy13 se présentent comme les gardiennes du temple, et il est donc normal que ce soit avant tout avec elles que Lacan discute. Comme on le voit nous sommes alors bien loin de l’orientation symboliste des sciences de l’homme à venir… et c’est précisément là que se situe le geste épistémologique lacanien.

L’exposé des doctrines de chaque auteur auquel Lacan se livre (et qui a été comparé à un « slalom de ski »14 par Jean Allouch) est indissociable de l’affirmation de sa propre perspective et de l’horizon épistémologique des années 30 dont nous venons de dresser un bref tableau. Ainsi, l’analyse et la comparaison des différentes approches doctrinales ne se font pas au hasard. Elle participe d’une logique épistémique par où Lacan élabore et construit sa conception originale. Lacan expose les doctrines différentes pour affirmer la sienne et on se rend compte que son exposé consiste dans la ruine progressive du paradigme de la psychiatrie, de la psychologie, et de la psychanalyse classique. Plus exactement tous les partages disciplinaires qui structuraient le champ des disciplines « psy » sont progressivement subvertis et reconfigurés.

Comment Lacan arrive-t-il à subvertir le champ « psy » (psychanalyse, psychiatrie, et psychologie confondues)? Comment d’un espace constitué et réifié en des partages disciplinaires reconnus (l’espace de discours légitime sur la folie), il arrive à tracer, de l’intérieur, de nouvelles frontières, à lui imposer de nouvelles lignes de démarcations et finalement à lui donner une forme nouvelle ?

La raison première d’un tel coup de force, c’est que Lacan ne va pas rester cantonné à son seul champ de spécialité « psy ». Sous les dehors de l’apparente modestie d’un problème spécifique à la nosologique psychopathologique et psychiatrique (le rapport des démences et des psychoses) par lequel il commence son introduction, Lacan va dégager dès le commencement de sa thèse un véritable horizon problématique en posant sa notion de personnalité. Et, c’est précisément cette notion de personnalité qui va permettre cette ouverture et cette subversion du champ psy. En effet, en convoquant cette notion pour rendre compte de la psychose Lacan opère un décalage du problème ordinairement spécifié dans les termes de la psychopathologie. Contrairement à la doxa « psy », la psychose ne doit pas être abordé de manière solipsiste ou monadique comme un objet en soi dont il s’agirait de montrer la prégnance de causes organique. Au contraire la psychose doit être appréhendé avec le problème général de la synthèse psychique de la personnalité. Or, la personnalité concerne aussi bien l’homme normal que le fou. Dès lors, il convient de s’intéresser à l’anamnèse du patient, à son histoire, à ses productions, à sa parole afin de le comprendre, nous dit Lacan (il s’inspire ici de Jaspers). En d’autres termes, la psychose est justiciable d’être comprise comme relevant de processus généraux communément partagés : la psychose appartient au genre humain. Dès lors, les sciences psy de son temps qui s’articule autour du paradigme spécialisé caractéro-constitutionnaliste et naturaliste ne peuvent qu’échouer pour en rendre compte. C’est ainsi qu’il propose sa « thèse psychogénique » qu’il élabore pour le champ des « sciences psy ». Elle lui permet de « décaler » le problème classique des psychoses de la spécificité du champ « psy » auquel il était destiné et du naturalisme auquel été voué ce champ. Elle lui permet de ne pas demeurer cantonné à l’espace restreint de la pathogénie mais de l’ouvrir. C’est ainsi que les thèses classiques de l’organogenèse et de la psychogenèse qui traçaient un grand partage entre causalité organique et causalité psychique dans le champ des disciplines psy sont rendues caduques. L’hypothèse psychogénique lacaniene pour le champ psy permet en même temps en effet de l’ouvrir, en le faisant imploser. C’est bien toute une nouvelle économie du savoir sur l’homme que Lacan constitue par elle, une économie où la causalité n’est plus organique mais symbolique. La psychogénie est en effet une affirmation fondamentale et radicale de la causalité symbolique sur toute autre forme de causalité et Lacan n’hésite pas à prendre comme modèle l’antrhopologie de Lévy-Bruhl pour étayer son propos15.

La psychiatrie, la psychologie et la psychanalyse sont désormais convoquées devant le tribunal de la science de la personnalité. L’ascendant qu’exerçait le paradigme naturaliste (à travers notamment la caractérologie et le constitutionalisme de l’époque) envers ces disciplines est désormais ruiné. « Nous ne pouvons oublier que la folie soit un phénomène de la pensée…»16, commenta plus tard Lacan à propos de l’enjeu de sa thèse. Elle signifie bien le renversement qu’opère Lacan par rapport à ses premières années de formation où, lorsqu’il écrivait ses premiers articles, il demeurait dans le « giron » des conceptions organicistes de ses maîtres. Sa thèse peut donc, du point de vue de l’ensemble de son œuvre, être considéré comme un moment d’émancipation par rapport à des paradigmes concurrents et comme le premier pas vers la psychanalyse mais non pas comme relevant stricto sensu de la psychanalyse.

Conclusion

Même si la thèse est passée inaperçue à l’époque, et même si aujourd’hui on occulte le plus souvent encore les propositions qui y sont formulées, il convient de réévaluer à sa juste place ce premier travail de Lacan. Lacan en développant ses vues psychogéniques opère une véritable petite révolution dans le champ des sciences psychiques française des années trente, et par son geste théorique la science de la personnalité préfigure la psychanalyse lacanienne à venir. Ce que nous faisons valoir en ce qui concerne notre propre perspective, c’est la nécessité de reconnaître à Lacan la paternité de sa thèse. À défaut de dire que Lacan est freudien dans sa thèse, il est en effet plus juste de dire que dans sa thèse Lacan est tout simplement lacanien. En d’autres termes, si l’on rend justice à ce geste inaugural dans toute sa portée c’est aussi bien la genèse ou l’histoire de la psychanalyse lacanienne qui mérite d’être réexaminée à l’aune de ce dernier, et c’est toute une archéologie de la psychanalyse qui est rendue possible.

1 Jacques Lacan, De la psychose paranoïaque dans ses rapports avec la personnalité, 2éme édition, Paris, Seuil, 1975.

2 Lacan, avant sa thèse, a écrit des articles surtout en collaboration avec d’autres auteurs et essentiellement dans diverses revues médicales comme La revue neurologique, L’encéphale, Les annales médico-psychologiques, et La revue française de psychanalyse. Nous n’avons reproduit que quelques uns des titres, en bibliographie générale, qui indiquent l’orientation organiciste, (pour l’intégralité des titres et références, on se reportera à la bibliographie générale de Joël Dor; Joël Dor, Bibliographie des travaux de Jacques Lacan, Paris, Inter Editions, 1983). Lacan résume ces années de formation de manière claire : « Nous nous sommes attaché tout d’abord, selon l’orientation que nous donnaient nos maîtres, à mettre en évidence les conditions organiques déterminantes dans un certains nombre de syndromes mentaux.» (Lacan, « Exposé général de nos travaux scientifiques (1933) », dans De la psychose paranoïaque dans ses rapports avec la personnalité, 2éme édition, Paris, Seuil, 1975, p. 399).

3 Jean Allouch, Marguerite ou L’aimée de Lacan, Paris, EPEL, 1990 ; Dominique Laurent, « Retour sur la thèse de Lacan : l’avenir d’Aimée », in Ornicar, Paris, 2003, Philippe Julien, Pour lire Jacques Lacan, Paris, Le Seuil, 1986 ; Pascal Pernot, « La théorie lacanienne de la psychose avant 1953 », dans La cause freudienne, Paris, 2000 ; Emile Jalley, Freud, Wallon, Lacan, L’enfant au miroir, Paris, EPEL, 1998, p. 78.

4 Jacques Lacan, Ecrits I, « De nos antécédents », op, cité , p. 67. Nous disons donc qu’au-delà de l’intérêt d’une telle lecture celle-ci relève de l’anachronisme ou de la tentation téléologique.

5 Gilles Deleuze, Cours du 27/05/1980, Université de Paris 8, disponible sur le site de Paris 8.

6 A la lumière de cette interprétation s’éclaire l’énigmatique quatrième de couverture où Lacan déclare sa réticence au sujet de la réédition de sa thèse en 1975: « Thèse publiée non sans réticence. À prétexter que l’enseignement passe par le détour de midire la vérité. Y ajoutant : à condition que l’erreur soit rectifiée, ceci démontre le nécessaire de son détour. Que ce texte ne l’impose pas, justifierait la résistance ». Il semble bien que la « réticence » que Lacan déclare au sujet de la réédition de la thèse en 1975 signe la différence, pour lui problématique, d’avec le point de vue qu’il soutenait alors en 1932. À en tenir compte il conviendrait donc de se pencher sur les ressorts, non pas d’une contradiction de l’œuvre comme le soutient Deleuze sinon sur son évolution.

7C’est à la lumière de la science de la personnalité que la partie portant sur la clinique d’Aimée doit être réévaluée.

8 Une place particulière doit être faite à la lecture inauguré par Lantéri-Laura et reprise par François Leguil. En effet, il s’agit des seuls « auteurs-psychanalystes » qui évitent d’échouer sur l’écueil du « freudo-centrisme ». Contrairement aux lectures communes, ils ne la réduisent pas au paradigme psychanalytique. Cependant privilégiant la question du rapport de Lacan à Jaspers, et délaissant l’exercice d’un commentaire exhaustif de la thèse, ils en manquent l’enjeu singulier (Lantéri Laura, « Processus et psychogenèse dans l’œuvre de Jacques Lacan », in L’évolution psychiatrique, Tome 40, Toulouse, Privat, 1984, p. 975-990 ; François Leguil, « Lacan avec et contre Jaspers », in Ornicar, Paris, 1989).

9 On peut se reporter au fameux article de Laforgue et Pichon, où les auteurs tentent de démontrer que la libido est un concept qui doit être banni, parce que dans l’esprit d’un français il est associé à « libidineux ». René Laforgue et Edouard Pichon, « De quelques obstacles à la diffusion de la psychanalyse », dans Le progrès médical, tome XXXVI, p. 533-534.

10 V.N. Smirnoff, « De Vienne à Paris. Sur les origines d’une psychanalyse à la française », dans La nouvelle revue de psychanalyse, Paris, numéro 20, 1979, p. 19.

11 R. Doron, Eléments de psychanalyse. Paris, PUF, 1978, p. 9-66 ; C. Chiland, Les écoles psychanalytiques, la psychanalyse en mouvement, Paris, Tchou, 1981 ; R. Jaccard, Histoire de la psychanalyse, Paris, Hachette 1982. On se reportera aussi aux analyses de Marcel Scheidhauer qui montre les résistances de cette époque par rapport au symbolisme freudien dans son chapitre « Sexualité et symbolisme » (Marcel Scheidhauer, Le rêve freudien en France, 1900-1926, Paris, Navarin, 1985, p. 195-210). À l’époque, les principaux « introducteurs » de la psychanalyse, par un étrange paradoxe, sont aussi bien souvent ces principaux critiques. Même Henry Claude, alors réputé « protecteur de la psychanalyse », ne se départit pas d’une critique assez dure (on se reportera aux commentaires de Jean-Pierre Mordier qui montre qu’il est le « cerbère » qui « oppose une ultime résistance à l’effraction de la psychanalyse » ; Jean Pierre Mordier, Les débuts de la psychanalyse en France, 1895-1926, Paris, Maspéro, 1981, p. 246). De ce point de vue Lacan, s’inscrit pour une part dans cette attitude. Il conviendrait de démêler avec précision qu’est-ce que Lacan doit à son époque dans ses rapports à la psychanalyse et en quoi il en innove de nouveaux. Cependant cette question déborde largement les bornes de la présente investigation. Ce qu’il faut retenir c’est que de toute façon rien n’autorise du point des raisons de la thèse que l’on autonomise le rapport de Lacan à la psychanalyse et à Freud davantage que, par exemple, son rapport à Bleuler ou à Kretschmer. Si nous insistons sur la question du rapport de Lacan à la psychanalyse ce n’est qu’en réponse aux commentaires classiques freudo-centrés dont la nature est de gommer les différences de Lacan à Freud et du coup d’annihiler le substrat et l’originalité de la thèse.

12 Georges Torris, La caractérologie, PUF, Paris, 1972.

13 Le lecteur aura compris que par cette expression nous entendons aussi bien les doctrines se rapportant à la psychiatrie, qu’à la psychologie, qu’à la psychanalyse.

14Il s’agit d’Allouch, Op. Cité.

15 C’est le point de vue social de la science de la personnalité (directement dérivée de la perspective anthropologique) qui peut se prévaloir de l’autorité épistémique pour légiférer en matière d’objectivité.

16Lacan, Ecrits, Paris, Seuil, 1966, p. 162.