Association de Psychologues Cliniciens d'Orientation Freudienne

Quel devenir adulte pour la psychose infantile et l’autisme ?

Dominique Rousseau

Introduction

La psychanalyse ne doit pas laisser la seule approche scientiste de l’autisme occuper tout le terrain si elle ne veut pas que l’autisme ne devienne un handicap, et rien d’autre.

Ce soir, avec les témoignages de nos collègues des petites maisons spécialisées pour adultes autistes, avec Mme Brauman des Studios du Courtil en Belgique nous voulons montrer que, de l’autisme, le sujet n’en n’est pas la victime, mais qu’il y est pour quelque chose. Le sujet autiste est, comme nous tous, aux prises avec sa jouissance et il a fait un certain choix, unique en son genre bien sûr, pour traiter cette jouissance (à ce titre la responsabilité lui en incombe à lui, et non à ses parents).

D’où il résulte deux choses :

  1. l’autisme est une position subjective, c’est-à-dire un mode de rapport à la jouissance et à l’Autre du langage ;

  2. il existe un traitement, long et difficile mais possible de cette jouissance autistique.

Ce traitement possible de l’autisme ne part aucunement d’un savoir pré-établi sur cette psychose ni même d’une volonté d’humanisation du patient de la part des soignants qui se retrouve en impasse, comme nous le verrons à un moment de l’histoire de Claire dans les petites maisons.

Ce traitement, psychanalytique, part de l’objet en tant qu’objet non détaché du sujet et condensateur de la jouissance de manière unique pour chaque autiste : la cuiller, le chausson pour Claire, le cas dont nous allons entendre parler ce soir, par exemple. Il s’agit, pour le soignant, de repérer dans ces objets autistiques ce qu’ils peuvent porter a minima de « couplage oppositionnel » signifiant, de rudiment du symbolique.

Le traitement psychanalytique de l’autisme fait alors signe à tout ce qui peut constituer une invention du patient pour en faire un symptôme qui compresse le délire: empailler des animaux, étudier la musique…A cet égard, les travaux des studios du Courtil dont vous allez entendre parler sont édifiants. Il s’agit de prendre à la lettre ce qui vient du patient pour en faire finalement un symptôme manifeste qui lui permette de traiter l’Autre du social, c’est-à-dire du langage.

Alors un dialogue avec l’autiste (un dialogue qui part du sujet, où le sens est réduit) devient possible puisqu’il y a, non pas à donner une réponse toute faite, préparée à l’avance, à sa souffrance, mais à apprendre de lui en apportant une extrême attention à ce qu’il est, fait ou dit, qui tient parfois à des éléments minuscules : le corps plié en deux de Claire, sa cuiller, son chausson, sans pour autant y mettre du sens.

Un obstacle, dira t-on, c’est le langage. Jacques Lacan, au contraire, les trouvait « plutôt  verbeux les autistes», dans le sens où, même si leur parole se réduit parfois à quelques mots, de par leur extrême sensibilité au langage symbolique, le moindre mot les heurte au plus haut degré, c’est-à-dire dans leur chair. C’est pourquoi l’on voit des autistes se boucher les oreilles. C’est pourquoi les autistes sont bel et bien inclus dans le langage, même si nous n’y comprenons rien. D’ailleurs, il ne s’agit pas de « comprendre » car la jouissance n’a aucun sens, aucun fantasme fondamental n’étant construit pour se brancher sur l’Autre. Il s’agit alors d’édifier une construction qui fasse tenir le sujet dans le monde à partir de ses bribes de parole sur lesquelles, en les prenant littéralement, il peut réussir à s’appuyer.

Pour quoi faire ? Pour, avec l’aide des soignants, construire un traitement de la jouissance de son Autre qui le ravage et ainsi sortir de l’autisme…dans le sens de pouvoir vivre avec.

Compte tenu de ce rapport au langage, il n’est pas simple de s’en occuper sans les persécuter. Il faut alors trouver les moyens pour « s’en occuper sans s’en occuper » selon l’enseignement de Lacan. « La pratique à plusieurs », dont va nous parler Mme Brauman, s’inscrit aussi dans cette logique.

Bonne soirée à tous.