Association de Psychologues Cliniciens d'Orientation Freudienne

Se passer du père sans s’en servir pour sa gouverne

Se passer du père sans s’en servir pour sa gouverne

José RAMBEAU

Je me propose ce soir, à partir du titre choisi pour mon intervention, de déplier comment un sujet pervers fait un usage particulier ou plutôt détourne à son profit la célèbre formule de Lacan « Se passer du père à condition de s’en servir ». Pour ce faire, je vais vous reparler du cas de Narcisso que je vous avais déjà présenté en mars 2015 alors que l’Atelier de criminologie lacanienne travaillait cette année-là la question de la répétition. Par l’usage qu’en fait Narcisso, la formule de Lacan pourrait s’écrire dans une orientation propre à la perversion « se passer du père à condition de ne pas s’en servir » ou dans sa variante plus singulière « faire croire au père qu’on peut sen passer mais à la condition de ne pas s’en servir pour sa propre gouverne ».

 

En mars 2015, je vous avais précisé que Narcisso était venu me voir à la suite de son arrestation pour une récidive de faits délictueux de nature exhibitionniste commis juste avant la fin de son premier suivi judiciaire qui se trouvait assorti d’une première obligation de soins.  Suite à une courte incarcération en maison d’arrêt et aux recommandations de la psychologue de l’UCSA qui le recevra pour quelques entretiens, il prendra rendez-vous à mon cabinet se trouvant soumis à une nouvelle obligation de soins assortie d’un contrôle judiciaire sur plusieurs années. Au moment où je ferai mon exposé en 2015, je le recevais encore régulièrement en séance une fois par semaine. Le déroulé de son premier suivi psychothérapeutique sous obligation de soins aurait dû me mettre la puce à l’oreille quant à la position perverse qu’il affichera à l’égard des instances judiciaires. Narcisso arrêtera en effet du jour au lendemain son suivi psychothérapeutique convaincu qu’il était arrivé au terme de son contrôle judiciaire et qu’il s’estimait légalement être dégagé de son obligation de soins.  Cet agir prémédité signait me semble-t-il son aveuglement ou plutôt sa détermination à suivre avant tout la loi de sa jouissance mais tout en veillant à tromper les lois de la Justice édictées pour tous en feignant d’en respecter scrupuleusement les ordonnances. Narcisso se montrait pour le moins complaisant à l’égard de la Loi ce qui peut le faire passer aisément pour un condamné idéal se rangeant sans bruit sous les fourches caudines de la sentence. Il épouse la Loi pour mieux ne pas s’en servir pour une meilleure gouvernance de sa vie.

 

Dans l’après-coup de sa précipitation à se croire libre de toute attache avec le monde judiciaire, il apparaîtra qu’il se fera arrêter pour de nouveaux actes exhibitionnistes juste avant la date réelle de la fin de son contrôle judiciaire et ce du fait qu’il s’était trompé dans ses calculs personnels pour fixer sur son calendrier la date se devant le voir libéré définitivement de toute contrainte judiciaire. Dans son calcul trop intéressé, il avait retranché du calendrier officiel qui lui avait été transmis et où se trouvait inscrite noir sur blanc la date de la levée définitive de son sursis, le temps correspondant aux remises de peine dont il avait bénéficiées et qui n’était pas à retirer de la durée officielle du suivi judiciaire qui lui avait été signifiée lors de son jugement. Il avait tout bonnement confondu remise de peine et grâce amnistiante qui seule aurait pu modifier la date de sa fin de peine. Écriture à son insu du « être pris qui croyait prendre ».

 

Ce qui me semblait être le signe d’un acte manqué chez lui me conduisit sans doute à le considérer du côté de la névrose avec certes des traits de perversion plutôt marqués. Il m’indiquera par ailleurs au sujet de son premier suivi psy qu’il s’était rendu chez son psychothérapeute sans réelle conviction ni accroche transférentielle. Il s’y rendait m’avoua-t-il pour être conforme à l’obligation de soins lui assurant ainsi son maintien en liberté sous contrôle judiciaire liée à sa condamnation à une peine d’emprisonnement avec sursis et lui évitant la case prison tant redoutée par lui comme marqueur de l’insupportable castration.  D’après ses propos tenus sur la forme et les contenus du travail thérapeutique entrepris, je pouvais en déduire qu’il n’avait pas eu affaire à un thérapeute orienté par la psychanalyse tout au moins lacanienne.

 

Narcisso s’était présenté à moi sous les traits d’un sujet plutôt dépressif laissant entendre entre les lignes de sa plainte que la possibilité du suicide lui était une solution qu’il gardait en poche pour répondre au sentiment de néant et d’inutilité qui le saisissait régulièrement. Je n’avais alors retenu que le caractère plutôt mélancolique de sa dépression pour lui proposer de le recevoir, ne prêtant pas assez attention à cet objet suicide qu’il disait avoir en poche ou tout au moins au fait qu’il se présentait en position d’avoir le savoir sur cet objet a et dont au cours de la cure il se servira pour diviser l’autre comme l’indique la formule lacanienne du fantasme pervers : petit a poinçon grand S barré. Dans les premiers mois du suivi, mon attention se trouvera attirée par sa monstration plutôt théâtrale de ce que le travail thérapeutique lui procurait comme souffrances à vouloir ainsi réveiller en lui des scènes et des affects passés dont il cherchait à en oublier la présence sur le mode d’un déni aux allures de chape de plomb.

 

Cette monstration d’allure plutôt histrionique, je la tirais aussi dans un premier temps du côté de la névrose alors que s’y dessinait en filigrane un procès exprimé sur un registre sadique à l’encontre du thérapeute en lui faisant vertement reproche de diriger la cure contre sa position de déni. Dans l’après-coup, cette stratégie m’apparaîtra avoir eu pour visée de diviser le thérapeute quelle que soit son orientation clinique afin de lui faire supporter l’angoisse liée à ses débords de jouissance. En quelque sorte, il m’accusait ouvertement d’être son tortionnaire me menaçant d’interrompre le traitement si son mode de jouissance venait à se trouver contrecarré par l’irruption de l’indésirable angoisse de castration dans le déroulement de ses séances comme dans le déroulement de ses scénarii masturbatoires ou de ses pratiques toxicomaniaques qui s’y trouvent liées.

 

Si dans la suite de la cure, il admettra à plusieurs reprises se tenir dans une position masochiste lui causant quelques préjudices quant à la façon de mener sa vie et d’y tenir de façon morbide, il ne sera jamais en mesure de pouvoir reconnaître sa réelle position subjective à savoir celle d’être sadomasochiste et incluant l’autre à diviser ou à sadiser. S’il s’évertue à clamer son masochisme comme cause de « son malheur » et de ce qui tourne trop rond dans le mode de jouissance qu’il s’est choisi et dont il ne peut se passer, il ne peut entendre ou apercevoir le côté obscur de sa position subjective à savoir le sadisme féroce dont il fait montre à l’adresse de son Autre et en l’occurrence à l’adresse de son Autre maternel. Il clame en quelque sorte son masochisme comme la preuve de son innocence à entendre comme la preuve de son irresponsabilité de sujet. Si d’autres sujets pervers que j’ai été amené à rencontrer dans mon expérience en SMPR m’ont habitué à la formule « ce n’est pas moi, c’est la pulsion » pour rendre compte de leur irresponsabilité de sujet dans l’exercice de leurs travers, Narcisso se distinguerait par une formulation inédite « ce n’est pas moi, c’est le masochisme qui m’habite ». S’il se plaint d’être, lui, la première victime (à la rigueur consentante) de son masochisme, il ne peut admettre sa responsabilité pleine et entière dans le fait que son sadisme (même sous couvert de la légèreté de l’exhibitionnisme dont il s’argue en comparaison des viols commis par d’autres) cause des préjudices aux victimes de sa perversion.

 

De ma première rencontre de Narcisso courant 2011, je tirerai l’enseignement suivant à savoir que si j’abandonnerai très vite dans les débuts du travail l’hypothèse de la névrose m’étant appuyé sur ses traits de perversion flagrants et m’orienterai dorénavant sur une conduite de la cure tenant compte de sa position perverse, il apparaîtra que Narcisso, lui, en bon sujet pervers, n’oubliera pas qu’il m’avait divisé en me faisant tromper de structure et en jouera pour asseoir son savoir y faire pervers avec l’objet a pour continuer de me diviser de la façon inattendue que je vais vous rapporter alors que je l’abordais désormais du côté de la structure perverse.

 

Après avoir accepté de le recevoir au printemps 2011, je lui proposerai de le voir en séance une fois par semaine à mon cabinet, ce à quoi il donnera son accord, empressé d’être en règle avec sa nouvelle obligation de soins. Et en effet, Narcisso me surprendra dans les mois voire les années qui suivront par son extrême régularité aux séances convenues d’une semaine à l’autre selon ses disponibilités professionnelles ou familiales. Sauf exception, il ne manquera aucun des rendez-vous hebdomadaires convenus. Cette régularité à toute épreuve (malgré le lot de souffrance évoqué en début de cure) me fit signe trompeur de son engagement dans la mesure où je me prenais à l’opposer au positionnement d’autres patients que je suivais ou avais suivis sous obligation ou injonction de soins et qui ne manquaient pas, eux, de présenter des essais de détournements ou des arrangements transgressifs avec la règle de l’obligation ou de l’injonction. Narcisso se présentait alors à mes yeux sous les traits du patient pervers idéal qui me paraissait pouvoir prendre au sérieux son obligation de soins pour sa propre gouverne.

 

Je le suivrai ainsi jusqu’en octobre 2016, époque où il m’annoncera qu’il arrivait au terme de son contrôle judiciaire sans autre précision concernant son engagement dans le travail thérapeutique en cours. Je lui indiquerai simplement que le travail psychothérapeutique dans lequel il se trouvait engagé depuis plusieurs années ne participait pas de la même temporalité que celle propre au champ judiciaire et qu’il y avait un travail à poursuivre au-delà de l’échéance qu’il m’annonçait. Il ne fera aucun commentaire suite à mes indications et ne donnera aucune information de vive voix sur ce qu’il comptait faire. Fin octobre, il vient en séance comme si de rien était. On convient alors du rendez-vous suivant. Tout avait l’air de se présenter pour le mieux quand à la suite d’un possible suivi thérapeutique post-judiciaire, étant pris moi-même dans les rais de mon attente ou plutôt dans ceux de mon rêve de psychanalyste d’avoir enfin trouvé le premier patient délinquant sexuel qui s’engagerait dans un transfert au-delà des limites de son implication dans une affaire judiciaire. En quelque sorte je comptais sur Narcisso pour voir en lui la confirmation que le champ de la psychanalyse pouvait s’appliquer au traitement des sujets délinquants sexuels récidivistes (et qui plus est pervers) une fois libérés des contraintes judiciaires. À mon grand étonnement, Narcisso ne se présentera pas à la séance convenue ni ne se manifestera par quelque moyen de communication que ce soit pour signifier ou donner sens à sa soudaine disparition. Un silence radical s’ensuivra pendant plusieurs semaines avant que je ne me décide à lui adresser un courrier lui faisant part de mon étonnement et lui laissant entendre que je restais à sa disposition. Même silence radical. J’en déduirai qu’il était bien arrivé au terme de son obligation judiciaire et qu’il s’estimait pour le coup dégagé de toute obligation sanitaire à l’égard de lui-même. Cette seconde obligation de soins se soldait donc par la répétition de la même dérobade du sujet quant à avoir à s’engager plus avant dans un traitement psychothérapeutique qui le concernerait au-delà de son implication  judiciaire. J’en déduisis que s’il m’avait montré tout au long de ces cinq années de suivi une apparente obéissance au Père de la loi, je doutais fort, au regard de la rupture brutale du soin, qu’il se soit engagé dans un usage éclairé du « se passer du père » mais bien plutôt dans un usage sauvage laissant à penser qu’il ne s’en servira pas pour sa propre gouverne.

 

Ma déduction s’en trouvera vérifiée lorsqu’au début janvier de cette année, Narcisso reprendra contact à mon cabinet pour convenir d’un rendez-vous en urgence suite à une nouvelle affaire de mœurs dans laquelle il se trouve impliqué ou plutôt où se trouvent impliquées ses compulsions exhibitionnistes et voyeuristes. Cette fois-ci, il s’est fait repéré par les services américains de la CIA spécialisés dans la surveillance des réseaux sociaux mondiaux pour débusquer les recels, les échanges et les diffusions entre internautes d’images et de documents vidéo pédopornographiques interdits et constituant donc un délit. Son site internet sera repéré après localisation et il aura la surprise de voir débarquer chez lui la brigade policière chargée d’enquêter et de perquisitionner son ordinateur et ses documents vidéo après information fournie par la CIA. Pour ces faits il a été jugé en comparution immédiate et condamné à une peine de prison ferme qu’il doit effectuer avant une date butoir mais qui est en cours d’être transmuée en une peine alternative (il s’attend au port d’un bracelet électronique sur une durée de plusieurs mois). Sa condamnation se trouve assortie d’une autre sanction à savoir celle d’une injonction de soins et non plus d’une simple obligation de soins qui, elle, ne s’inscrivait pas comme sanction. Il a donc rencontré le psychiatre coordonateur et est suivi régulièrement par un centre ressource spécialisé pour les addictions sexuelles et toxicomaniaques. Il a souhaité cependant reprendre un suivi psychothérapeutique avec moi à la condition que j’accepte à nouveau de le recevoir après sa dérobade et de lui rédiger une attestation précisant que je m’engageais à le suivre en entretiens psychothérapeutiques, document nécessaire dans le cadre de son injonction de soins.

 

Cette nouvelle inculpation touchant à son addiction sexuelle semble l’avoir ébranlé du fait que l’œil américain a fait intrusion dans le champ de ses jouissances masturbatoires privées alors que jusqu’à maintenant il se faisait voir et se laissait prendre dans ses exhibitions commises dans l’espace public. Ce point est un levier essentiel sur lequel je compte m’appuyer pour la suite de la cure. En effet cette anecdote fait valoir la place centrale de l’objet regard au cœur de ses scénarii masturbatoires privés autant que dans ces mises en scène publiques. Ce n’est pas seulement le regard de ses victimes ou de lui-même se masturbant qui se trouve convoqué mais un regard beaucoup plus redoutable et redouté, un regard tenu dans l’ombre et auquel s’adressaient jusqu’alors toutes ses prouesses sexuelles visant un au-delà du principe de plaisir, un regard identique à celui de la statue du commandeur auquel s’adresse le défi de Don Juan. Ce regard convoque le Père mais c’est un Père particulier, un Père différent du père œdipien classique qu’on trouve dans les scénarii de la névrose. Pour Narcisso comme pour Don Juan, le Père n’est acceptable ou plutôt ne peut être défié qu’à la condition qu’il soit déjà mort. Un Père d’emblée déjà mort n’est pas ou n’est plus à tuer ! Quelqu’un d’autre s’en est chargé. Toute la stratégie du sujet pervers consiste à faire porter le meurtre du Père sur le dos de quelqu’un d’autre (à l’aune de sa stratégie pour me faire porter l’habit du tourmenteur). En bon sujet pervers, Narcisso fait donc l’économie d’avoir à tuer le père œdipien en le posant sous forme d’un désaveu comme déjà mort ou plus exactement comme déjà tué et qu’il n’a pas à craindre sa vengeance sauf à prendre la forme de la statue du commandeur agissant dans l’ombre des bureaux de la CIA.

 

L’œil de la CIA a donc fonctionné comme le retour non pas du refoulé mais comme le retour du déni du Père jusque là désavoué et venant désormais peser de tout son poids sur les débords de jouissance que Narcisso nomme toujours masochistes. Une des premières choses que m’annoncera Narcisso à la reprise des séances c’est sa décision d’arrêter ses addictions toxicomaniaques (sans doute sur les conseils des praticiens du Centre Ressource) dont on lui aurait fait apercevoir les liens latents avec ses addictions sexuelles. Il faut noter qu’il est désormais assujetti à un dépistage régulier par analyses d’urine ou de sang afin de contrôler s’il est toujours consommateur de cannabis ou de cocaïne. La question n’est plus pour moi de le croire ou non (sa position de menteur invétéré avait été largement dépliée au cours du premier travail demeurant sans effet sur celle-ci) mais plutôt de retenir le fait qu’il paraît plus sensible à la question d’avoir à traiter ses débords de jouissance autrement qu’auparavant. Peut-être Narcisso est-il plus en mesure aujourd’hui d’approcher un père vivant pour avoir la possibilité de le tuer symboliquement et de pouvoir s’en servir d’une manière plus efficiente pour sa gouverne ?

 

Pour ma part j’ai profité du vacillement de sa position subjective introduit par l’œil américain pour travailler sur la répétition de ses démêlés avec la justice dont cette fois en tant que thérapeute j’ai été témoin. Je lui ai indiqué qu’au-delà des apparences, son arrestation d’aujourd’hui qui à première vue n’aurait rien de similaire aux deux précédentes (celles-ci s’étant trouvées liées à des conduites exhibitionnistes en public) puisqu’il s’agit cette-fois d’une arrestation pour recel et pratiques voyeuristes à caractère pédophile, je lui ai indiqué que son arrestation s’inscrit contrairement à toutes les apparences dans la même logique de son fantasme pervers mis en scène dans ces actes exhibitionnistes. C’est toujours le regard du Père mort dans l’ombre qui est convoqué pour le surprendre comme menteur et abuseur des autres. Dans ses actes exhibitionnistes publics, c’est un regard dans l’ombre des apparences trompeuses qui le dénoncera, rappelez-vous, l’une de ses victimes de son exhibition s’avérera être une gendarme habillée en civil. De même, au-delà du regard de la mère qui le surprendra dans ses pratiques masturbatoires à l’âge de la puberté (ce qui avait eu pour conséquence de transporter son mode de jouissance en dehors de la maison maternelle et donc de jouir désormais dans l’espace public) c’est le regard du Père alourdi de par son absence qui pèsera sur ses épaules sans qu’aucune sanction n’ait pu être manifeste.

 

La mère l’a vu, en a été choquée (donc divisée !) du fait de l’effraction dans sa pudeur mais elle n’a fait que se retirer de la scène pour ne plus voir l’objet de son trouble au lieu de sanctionner son fils sur un plan symbolique qui lui aurait permis d’accéder à la castration comme opérateur pour la suite de sa vie. Ce que Narcisso désigne comme sa position masochiste c’est cette attente d’une sanction du Père de la Loi qui ne s’est pas présentée au moment opportun et qu’il appelle de tous ses vœux de délinquant sexuel récidiviste. Je ferai remarquer à Narcisso le poids de son implication dans l’imbroglio dont il se plaint, plus exactement le poids de son déni. Je lui ferai remarquer qu’il n’était pas sans avoir su que les services américains investissaient un énorme budget pour aller à la chasse, traquer et démonter les réseaux pédophiliques de par le monde. Les médias français avaient diffusé largement ces informations. En entrant de lui-même sur ces réseaux surveillés, il ne pouvait que s’attendre au surgissement de l’œil de la CIA sur ses jouissances privées et l’application de la Loi en conséquence.

 

Ce qui se dessine à travers ses démêlés judiciaires répétitifs et qu’il n’a pas été sans l’indiquer à ses thérapeutes à bas bruit, c’est que la Loi pour qu’elle prenne poids réel à ses yeux de sujet pervers ne peut se manifester que sous la forme de l’emprisonnement, de l’embastillement à l’aune des pratiques libertines de Sade. Et je ferai l’hypothèse que si Narcisso se démène tel un beau diable pour s’éviter l’emprisonnement il nous indique par ces manœuvres divisant ses petits autres que la prison c’est ce à quoi il aspire au fin fond de lui pour pouvoir faire limite réelle à ses débords de jouissance tel Don Juan face à la statue du commandeur ou Sade face à son mur de la Bastille lui permettant d’écrire sa perversion. Peut-être Narcisso, sera-t-il plus en mesure dans la suite de la cure d’approcher sa responsabilité de sujet jouisseur et d’en assumer les sanctions de l’Autre sans s’y dérober ? Le bracelet électronique fixé à sa cheville sera-t-il suffisant pour lui signifier la prison à laquelle il aspire pour se libérer des entraves de son mode de jouissance ? La suite du travail nous l’indiquera peut-être.

 

Peut-être que l’œil américain aura pour effet qu’il puisse un jour se servir d’un père à abattre en lui pour lui servir de gouverne. Il est question pour l’heure dans la conduite de la cure de restaurer ou plutôt d’instaurer un Père vivant à déchoir plutôt qu’un Père mort à déboulonner comme les statues de Staline ou de tout dictateur. Il est question aussi de prendre appui sur la part de sujet vivant qu’il y a en lui plutôt que sur le sujet déjà mort qu’il met toujours en avant pour ne pas avoir à s’avancer sur la voie du père œdipien. Pourra-t-il se passer de son thérapeute de façon éclairée au lieu de l’évacuer comme empêcheur de jouir ?