L’OBSESSIONNEL NE TOURNE PAS EN ROND : sur cette affirmation, trois tables rondes se donnent pour mission d’en dire quelques chose et d’en poser l’actualité.
Première table ronde : l’angoisse du névrosé obsessionnel masque t-il son désir ?
Seconde table ronde : l’objet qui captive et mortifie le corps du sujet obsessionnel est-il dans ses pensées ?
Troisième table ronde : l’appel au père peut-il donner sens et respectabilité à la croyance ?
Voilà la triple interrogation à laquelle nos intervenants nous ont fait part de leurs réflexions, j’allais écrire réflection sur une actualité assurément marquée par le doute : « par la folie du doute »
Et ça commence comme ça chez J. Lacan qui nous dit, parlant de la Névrose obsessionnelle qu’il peut bien s’agir d’une « fortification à la Vauban » soit d’une protection militaire. L’obsessionnel serait-il inabordable, inapprochable, aurait-il besoin d’un refuge, serait-il en danger ou serait-il un danger pour lui-même et pour autrui ? Préoccupations mineures quand on observe comment ça s’écrit : « se laver les mains est recommandé par la faculté et la bonne éducation, se les laver toute la journée, et ne faire que cela, devient une exagération plutôt invalidante » tout autant, et dans l’excès ce que nous savons de l’actualité de ce médecin pédophile qui surenchérit sur ses victimes et manifestement cherche un châtiment à la mesure de ce que peuvent attendre ou espérer ses juges : qu’il se sacrifie. C’est une autre exagération qui donne des indications sur son évolution : possiblement mélancoliforme. On voit bien que notre journée répond ou obéit à des impératifs contemporains d’effacement, du rendu aussi propre que possible d’une névrose de contrainte qui est refus de la subjectivité ou négation du pouvoir agissant d’un inconscient qui se moque du contemporain et qui sait bien, lui, que ce contemporain est un artifice, une sorte de refuge ou encore une sorte de fuite en avant qui ressemble étrangement à ce qu’il prétend juger. Peut-on là parler d’interpénétration ou mieux encore « d’interprétaction », sorte de néologisme qui permet de masquer sans vraiment se cacher.
La névrose obsessionnelle est-elle une « névrose idéale » méritant ce qualificatif d’idéale à proprement parler. Y a t-il du propre là dedans, de la propreté qu’il faut peut être effacer dans notre problématique d’aujourd’hui et parler du psychanalyste et de son désir à lui car le désir c’est bien celui de l’hystérique tout autant que celui de l’analyste. Peut-on parler de l’enfer de l’obsessionnel, celui d’un sujet dont la vie est tirée au cordeau. Garde à vous ! Fixe ! Tout doit être pensé, ruminé. L’obsessionnel aurait-il uniquement à faire au langage, soit à une pensée compulsive abstraite, isolée du monde dans sa réalité ? A t-il une maîtrise parfaite des mots : pas un pan d’anxiété ne passerait-il pas par la moulinette de sa pensée. Au commencement était le verbe nous rappelle la bible. L’obsessionnel cherche-t-il à être reconnu comme sujet ? Est-ce vraiment son désir ou est-il pris dans le désir de l’autre, ou cherche t-il un miroir ?
Pour Lacan, tout mouvement d’approche de l’obsessionnel vers l’objet de son désir se heurte à une véritable baisse de tension libidinale. À l’Autre il demande l’impossible, l’Autre vient y buter, il y aurait chez lui une incessante oscillation entre une déférence divine et un dédain chosifiant à l’égard de ceux qu’il investit, de ceux à qui il accorde, en somme, une signification. Le masochiste prend position vis-à -vis de l’Autre en se faisant, pour lui, objet de jouissance. Or l’obsessionnel, pour le psychanalyste, a à faire à trois femmes : une pour baiser, une à aimer et à désirer. Celle à aimer, il ne l’approchera pas, elle est une femme imaginaire. La femme à désirer est purement symbolique tant il est vrai que si l’hystérique maîtrise par le désir, l’obsessionnel, lui, maîtrise le désir. Il doit s’assurer qu’il y a de la place pour le vide. Est-ce dans l’asphyxie du désir de l’autre que le sujet parvient à soutenir la logique propre de son désir ? Le sujet obsessionnel peut-il jouir silencieusement de l’infortune de son propre désir ? C’est bien là une tout autre question ! Alors, le héros doit-il mourir pour que son désir advienne ? Quand le désir devient impossible, l’objet peut devenir l’objet de son désir : jeu solitaire de l’objet qui se fait désir : Bobine de Freud « fort-da » : tu éloignes et tu récupères ton désir, tu joues à cache cache avec lui. S’agit-il d’un Jeu de maîtrise entre toi et toi, tu joues tout seul.
En somme, si la contrainte et la répétition appellent du nouveau, la névrose obsessionnelle appelle, elle, la construction au sens où « le je doit advenir » Tout excès interprétatif venant de l’analyste fera fuir l’obsessionnel. Ce qu’il sait ne lui appartient pas. Il se fond dans celui de l’autre qui devient le grand Autre. Dans la cure, il dit tout sauf ce qu’il a à dire : les raisons, en somme, de sa venue. Ce qui domine est ce climat de suspicion. Le sujet obsessionnel trouve ancrage et développe une constante qui serait celle de la croyance. Un j’y crois…j’y crois, ce ne peut être autrement. Et ce jusqu’à son terme : puisque j’y crois, cela va arriver. Et contre moi, je construis une situation qui vient justifier ma croyance : « je suis fier d’être pédophile » dira notre médecin aux 299 victimes auteur d’un journal qui conte par le détail les actes en cause, et qui en rajoute pour nous dire puisque cela est arrivé, cela peut, doit, encore se reproduire. Où l’on voit que l’obsessionnel devient l’agent de sa propre destruction en se faisant procureur requérant. Puisque c’est arrivé, c’est moi qui est déclencheur donc je suis coupable et dois être châtié. Après le châtiment vient le sacrifice, celui de ma croyance et je me punis. Après le sacrifice aux couleurs de la mélancolie succède un processus auto punitif qui relèverait de la paranoïa. Il y aurait alors déflagration, vécu de fin du monde de l’obsessionnel, puis vécu de fin du monde d’une portée plus générale. Double vécu du bois qui touche au délire. Plus rien ne peut faire barrage au délire de l’obsessionnel qui peut en venir à utiliser son corps comme arme par destination pour détruire, par le sacrifice de son corps, celui de l’autre, celui des autres : le corps de l’Autre. L’obsessionnel ne tourne pas en rond. Il connaît un parcours qui le conduit à brûler ses propres vaisseaux. Chacun, ici, constatera que nous sommes dans une actualité à laquelle l’obsessionnel n’est pas étranger. Le « Bataclan » en fut ici la triste figure.