Association de Psychologues Cliniciens d'Orientation Freudienne

“On s’est pris une claque!” – La visite médiatisée : un dispositif thérapeutique

                                                                                                                                                                                                         Marie-Axelle MAREL

Nous allons évoquer dans ce texte la pratique du psychologue dans un dispositif hors-norme puisqu’il s’agit d’accueillir l’enfant placé – c’est-à-dire qui a été séparé de sa famille – en binôme avec un éducateur spécialisé dans le cadre d’une rencontre nommée « visite médiatisée ».  C’est le Juge des enfants qui ordonne le placement et les modalités de visites entre parents et enfants. Le placement survient en effet lorsque les soins de l’enfant ont été négligés de manière répétée ou lorsque l’enfant est en danger.

La visite médiatisée permet donc au parent de venir rencontrer son enfant durant une heure, hebdomadaire, bimensuelle ou mensuelle avec un binôme de professionnels. Le parent est donc contraint à ce dispositif pour venir voir son enfant. Dans ce cas les professionnels vont avoir affaire à des résistances plus importantes car le parent est accusé d’avoir manqué aux soins de son enfant et comme il a été jugé pour les carences que son enfant a subies il se montre le plus souvent sur la défensive. 

Historiquement, c’est Maurice Berger qui en 1979 a créé la notion de « visite médiatisée » – emprunté à Myriam David et Hana Rottman qui avait créé le terme de « rencontres accompagnées ». C’est dans un lieu déterminé et dans un temps – toujours le même – que l’enfant qui a subi un préjudice psychologique et/ou physique par son père et/ou sa mère vont être accompagnés par des professionnels. Le placement de l’enfant se fait alors dans une autre famille que la sienne appelée famille d’accueil ou dans une structure adaptée à ses besoins physiques et psychologiques – par exemple les MECS (Maison d’enfant à caractère social).

Le binôme psychologue éducateur propose trois temps pour accueillir l’enfant et sa famille : une rencontre préalable avec l’enfant et son référent ASE, une rencontre avec le ou les parents, puis un troisième temps celui de la rencontre enfant parent appelé « visites médiatisées ». La visite médiatisée dure une heure, qu’elle soit hebdomadaire, bi-mensuelle ou mensuelle. Durant la rencontre de l’enfant avec son parent, il s’agit pour le psychologue orienté par la psychanalyse de soutenir la parole de l’enfant et celle de ses parents, de faire un repérage diagnostic – soit de cerner la structure du sujet : ce qui va orienter les professionnels dans le transfert. L’éducateur intervient pour soutenir l’enfant dans ses acquis et les parents dans leurs compétences. Durant les visites médiatisées il s’agit de rassurer l’enfant et sa famille si besoin, d’animer, de permettre que la parole circule voire émerge. Chaque situation est singulière. Il y a des sujets plus ou moins embarrassés, silencieux et donc dans l’impasse. 

Ensemble le binôme psychologue éducateur se fait partenaire de l’enfant et de sa famille et aussi fait lien avec la famille d’accueil ou l’équipe de la structure qui accueille l’enfant. En effet, c’est la famille d’accueil ou un membre de l’équipe éducative qui accompagne l’enfant sur le lieu des visites médiatisées. C’est donc dans la salle d’attente que le parent peut les rencontrer. L’enfant négligé ou maltraité a été séparé de sa famille puis placé en foyer d’urgence. Le signifiant « urgence » désigne une situation où il faut agir vite pour mettre l’enfant en sécurité car la vie de l’enfant est en danger dans son environnement. Il est en souffrance psychologique et/ou physique. Soit l’enfant a pu dire et se confier à un adulte souvent un professionnel de l’école ce qu’il vit et qui le fait souffrir, soit l’école ou un proche de l’enfant fait un signalement pour attester de signes visibles chez lui qui révèlent un mal-être psychique et ou physique. 

 

Je vais vous exposer une situation de famille que nous avons accompagnée et qui va illustrer aussi le thérapeutique et ses limites.

Monsieur et Mme B. sont parents de 4 enfants qui sont “placés” : Fanny âgée de 15 ans, Rémi âgé de 13 ans, frère jumeau de Sami qui ne bénéficie pas des visites médiatisées dans un premier temps et Marie âgée de 9 ans et demi qui est hospitalisée car elle souffre d’un diabète de type 2 qui n’est pas stabilisé et nécessite un suivi médical. Les visites médiatisées mensuelles ont débuté en l’absence de Sami au mois de mars 2021, il y a eu trois rencontres. Sami participera aux visites médiatisées dans un deuxième temps à partir du mois de juillet 2021. 

 

Entre parole et non-dits

 

Lors des trois premières rencontres mensuelles, tous sont présents sauf Sami. C’est le temps des retrouvailles chaleureuses entre les parents et leurs enfants. Cependant l’absence de Sami rappelle la cause du placement et c’est à ce sujet que nous leur proposons de démarrer les échanges. Lorsque nous nommons l’absence de Sami un silence s’ensuit qui en dit long sur un fond de colère sous-jacent de la part des parents et de leurs enfants. Rapidement Fanny dit sa colère d’être placée et qu’elle en veut à Sami d’avoir provoqué le placement. Rémi le frère jumeau de Sami est embarrassé pour parler. Il répète à peu près ce que sa sœur vient de dire. Nous reparlons donc des circonstances particulières qui ont mené au placement des enfants. C’est Madame qui raconte, Monsieur glisse quelques éléments (et cela révèle la problématique du symptôme familial) et nous précisons avec ce qui nous a été transmis antérieurement ce qui est passé sous silence ou qui ne peut se dire comme les actes de maltraitance qu’ont subis les enfants.

Sami a quitté le domicile de ses parents par peur de représailles physiques et s’est réfugié chez un voisin à qui il s’est confié sur les violences infligées par ses parents envers lui et ses frère et sœurs. Le voisin a alors alerté la police, chaque enfant a été auditionné puis toute la fratrie a été placée. « C’est de la faute de Sami !», s’ils sont placés dit Marie en colère. Elle lui en veut et a écrit une lettre à son frère pour lui dire ce qu’elle ressent. Pour préparer alors la prochaine rencontre avec Sami, nous rectifions : s’ils sont placés, c’est parce que Sami a parlé des maltraitances qu’il subissait de la part de leurs parents et que donc la situation de placement incombe à leurs parents qui en sont responsables. Nous ajoutons qu’en France la maltraitance de l’enfant est punie par la loi, elle est interdite. D’ailleurs les deux parents sont sous le coup d’une condamnation pénale. Ils ont interdiction de contacter Sami depuis le placement. Madame dit « le lien est coupé ». Les deux parents sont mal à l’aise, émus. 

Au début des rencontres, les parents éprouvent aussi de la colère contre leur fils qui les a dénoncés ce qui a provoqué le placement de tous leurs enfants. Petit à petit, ils évoquent les difficultés rencontrées avec Sami qui ont débuté selon eux alors qu’il était en CE2. Concernant les faits de maltraitance, Madame évoque toujours la même anecdote : l’épisode d’une tape avec une cuillère chaude sur les fesses de ce dernier alors qu’elle cuisine. Monsieur et Madame reconnaissent qu’ils ont toujours été en difficultés avec Sami qui mentait ou « volait » depuis l’école primaire.  Les vols étaient de petits objets que Sami ramenait à la maison : stylos, voitures et plus récemment un téléphone portable. 

Pour Monsieur parlait des actes de maltraitance qu’il a infligés à son fils Sami ne vient pas spontanément. Il dit d’abord qu’il travaille et qu’il a toujours acheté à ses enfants ce qu’il voulait. D’abord Monsieur aborde ce qu’il a pu offrir matériellement à ses enfants comme pour se valoriser. Puis nous l’invitons à parler de ses difficultés avec Sami et les autres enfants. Il est difficile pour Monsieur de dire et il se montre ému les yeux brillants de larmes. Madame dit aussi avoir mis une gifle une fois à Fanny et s’excuse auprès d’elle. Après cette parole de sa mère, Fanny a pu dire que son frère n’avait pas d’autre choix et qu’il voulait que ça s’arrête. Effectivement Sami a éprouvé le besoin de fuir la maison et de parler à un voisin de ce qu’il vivait à la maison avec ses parents et qui le faisait souffrir lui et ses frère et sœurs. « C’est Sami qui pose problème, c’était moins pour Sami que pour les autres », dit le père. Ce que Fanny et Rémi ont confirmé. 

Monsieur et Madame disent souffrir de la séparation d’avec leurs enfants. Madame dit : « Ils nous manquent tous ! ». Leur maison leur paraît vide. A la fin de la seconde rencontre, ils confient ce qu’ils éprouvent : « on s’est pris une claque ». Ils pleurent chacun de leur côté en précisant que leur couple se trouve affecté et qu’ils sont moins proches physiquement. Le couple parental insiste sur le fait qu’il voit un psychologue afin de les aider à surmonter et comprendre la situation de placement de leurs enfants. Il s’agit d’une injonction de soin. 

Suite à leur audience, le juge a modifié les modalités des visites médiatisées à leurs enfants et désormais toute la famille pourra se rencontrer dans le cadre de visites médiatisées tous les 15 jours. Ainsi toute la famille se retrouve mais Sami ne vient pas lors de la première visite médiatisée où il aurait pu être présent. Il a dit ne pas souhaiter voir ses parents. Il viendra à la deuxième visite médiatisée. 

 

Retrouvailles avec Sami

 

Dès le début des visites médiatisées, Sami apparaît mal à l’aise, sans doute rongé par la culpabilité. Madame lui parle tout de suite et le rassure lui dit que ce n’est pas de sa faute en évoquant spontanément les faits de maltraitance qu’elle lui a fait subir car elle ne comprenait pas les difficultés de son fils. Nous soutenons alors Sami et disons que si Sami est parti et a parlé au voisin des maltraitances subies c’est parce qu’il n’a plus voulu subir la violence de ses parents. Cette évocation émeut Sami et ses parents qui se mettent à pleurer. Madame lui demande pardon et le prend dans ses bras, Monsieur imite Madame. Il lui est difficile de parler du passé car c’est douloureux et qu’il ne veut pas rouvrir d’anciennes blessures dit-il à plusieurs reprises. Monsieur dit qu’il a toujours été proche de Sami :  « c’est mon bras droit », et qu’il ne comprend pas ses mensonges, vol de téléphone et fugues. Cette incompréhension de son fils explique, selon Monsieur, qu’il ait été maltraitant physiquement avec lui. 

 

Nomination du handicap 

 

Lors des premières rencontres très rapidement Madame dit qu’elle est handicapée et suivie par un psychologue depuis le placement de ses enfants. Son handicap est d’origine mental, il signe une déficience intellectuelle. Madame précise qu’elle ne sait ni lire, ni écrire, elle ne travaille pas. Durant cet énoncé un lourd silence se fait sentir, nous sentons que le sujet est peu évoqué voire tabou. Tout de suite son mari dit : « ce n’est pas grave je la soutiens depuis 20 ans ». Madame acquiesce et dit que c’est sa moitié. 

Nous constatons que les trois enfants et Madame montrent une limitation certaine des compétences intellectuelles qui se voit au travers des difficultés langagières – voire de compréhension pour Rémi. Ils semblent s’être identifiés à leur mère selon ce trait de handicap mental qui inhibe leur manière d’être au monde. Marie et sa maman sont en situation de handicap reconnues par la MDPH. Rémi et Fanny sont inhibés dans leur parole et manquent de vocabulaire. Monsieur quant à lui parle peu est plus réservé pour parler des faits de maltraitance physique qu’il a aussi infligés à son fils. Il lui est impossible de dire et se montre très ému. Il répète alors qu’il sollicitait plus Sami que Rémi sans doute parce que Sami est plus vif qu’il comprend plus vite que son frère. Il n’a pu spontanément énoncer les maltraitances infligées à son fils mais il a reconnu en pleurant avoir aussi participé ainsi que son épouse à être maltraitant avec Sami. Rémi évoque son frère jumeau en disant que celui-ci s’en fiche de lui. Fanny est réservée, elle ne dit rien spontanément, elle semble méfiante et hésite à parler. Quant à Marie, elle se montre plus volubile. Elle dit à ses parents et ses frères et sœurs qu’ils lui manquent. 

 

Nous constatons que Madame se saisit de l’espace des visites médiatisées pour énoncer son handicap, dire qu’elle regrette les maltraitances infligées à Sami et que le placement de ses enfants la rend triste et qu’ils lui manquent. Elle incite ses enfants à dire leurs émotions sur leur vécu et elle dit en colère à plusieurs reprises à son mari qu’il n’arrive pas à parler de la situation de maltraitance ! Nous lui disons que chacun est différent et avance à son rythme car elle se montre trop insistante. Elle semble comprendre ce que nous disons et modère son empressement pour faire parler ses enfants !

 

Lors d’une visite médiatisée, elle demande à ses enfants s’ils souhaitent un retour à la maison. Tous les enfants voudraient une ouverture de droits et un retour à la maison un week-end par mois ont-ils dit car ils savent que le retour à la maison se fera de manière progressive. 

 

En effet, à ce stade du placement à peu près 6 mois et avant l’audience, nous constatons que la situation de placement déprime les enfants : chacun a pu le dire à sa manière : Rémi explique qu’il a fait une crise d’angoisse en cours son cœur battait vite et qu’il a fait un « bloquement » – néologisme pour dire blocage. Il ne peut en dire plus. Il évoque aussi des troubles du sommeil. Marie dit clairement que sa famille lui manque qu’elle ne veut pas aller en famille d’accueil et préfèrerait être placée chez sa tante la sœur de sa mère. Fanny dit qu’elle a pleuré qu’elle n’en peut plus d’être placée au foyer et qu’il y a le manque de ses parents. Sami met du temps à parler, il écoute et raconte que les éducateurs ont encore oublié de lui réserver une assiette pour manger après le basket et que donc il a décidé de sortir à l’épicerie pour aller chercher à manger en appelant sa mère à 23h pour lui raconter. 

 

Petit à petit un changement s’opère chez Sami qui s’autorise sur un mode transgressif à fuguer du foyer pour rentrer chez ses parents plusieurs fois. Il y passe une nuit puis doit rentrer au foyer. Son attitude a pour effet de provoquer encore la colère et l’envie chez ses sœurs et son frère qui se saisissent de l’espace des visites médiatisées pour lui dire. Ce à quoi Sami répond qu’il ne pensait pas en dénonçant les faits de maltraitance qu’il y ait placement de lui et de toute la fratrie. Il trouve le temps long au foyer loin de ses parents dit-il. C’est d’ailleurs le cas de ses frère et sœurs et de ses parents qui vivent douloureusement le placement et donc la séparation. Peu à peu, la tristesse, les regrets et le manque de vivre ensemble se disent et font place peu à peu à l’espoir de revivre ensemble pour toute la famille. 

 

Ainsi notre hypothèse concernant Sami et ses agirs nous interroge sur sa place dans la famille et le fait qu’il soit différent de son frère jumeau Rémi, de ses sœurs et de sa mère. Cette différence pour sa famille concerne ses passages à l’acte : mensonge, vol et fugue. Mais Sami ne sait pas pourquoi il a toujours agi ainsi. Il n’a jamais rencontré de psychologue et ne veut pas rencontrer la psychologue du foyer où il est accueilli. Sami est l’enfant différent de la fratrie qui ne soit pas frappé du signifiant “handicap” et qui ne soit pas limité intellectuellement. Il est bien différent des autres de sa famille intellectuellement. 

 

Rectifications subjectives 

 

A la rentrée la mère demande : quand vous serez de retour à la maison, qu’est-ce que vous aimeriez voir changer ? Comme aucun des enfants ne répond, elle leur fait des propositions : voilà ce à quoi nous avons pensé avec votre père : donner de l’argent de poche pour les plus grands avec la possibilité d’acheter leur vêtement comme ils ont appris à le faire au foyer et des horaires de sortie différents pour l’aînée, précise-t-elle. Et le dimanche, les parents souhaitent proposer à leurs enfants de partager une sortie ensemble pour parler,  ce qu’ils n’avaient pas l’habitude de faire auparavant. Madame évoque aussi qu’elle est limitée pour le soutien aux devoirs et propose de prendre une aide scolaire. Nous invitons les enfants à dire ce qu’ils en pensent. Ils sont contents des propositions faites par leurs parents. Fanny l’aînée dit que ses parents ont changé. 

 

Suite à l’audience, le juge révise son jugement et ouvre un droit d’hébergement mensuel sur le temps du week-end pour tous les enfants. La famille a connu des changements majeurs, progressivement en effet, nous apprenons que les enfants sont accueillis au domicile parental et sont chacun leur tour en situation de « fugue » lorsqu’ils arrivent en visite. Rappelons-le mouvement initié par Sami qui a été rejoint par Rémi et Fanny. Les parents ont toujours prévenu le foyer que leurs enfants étaient chez eux. Fanny a décidé de quitter le foyer car elle ne supportait plus d’y vivre se disant plus en sécurité chez ses parents ou chez sa copine, lieu de refuge pour ne pas mettre ses parents en difficulté qu’elle tente de protéger. Elle dit se sentir mieux chez ses parents car la situation de placement et de collectivité la déprime. Sami s’est aussi permis de faire des échappées à plusieurs reprises chez ses parents mais revenait ensuite au foyer, tout comme Rémi. 

 

Dans le cadre des visites médiatisées, le placement et le contexte dans lequel il a été ordonné a occupé une grande partie des échanges avec les parents. Ils disent avoir souffert de cette situation, le placement a été un « électrochoc » pour la famille qui vit difficilement la séparation et le vide qu’elle représente. Les parents ont pu nommer et reconnaître leurs violences respectives. Ils expriment tous deux de la culpabilité et souhaitent modifier leur posture parentale. Madame évoquant même sa limite due à son « handicap » et de ce fait sa posture parentale particulière. 

 

Le récit de leurs vécus respectifs, de s’écouter les uns et les autres sur ce qu’ils veulent a permis l’acquisition de connaissances sur les besoins de leurs enfants qui sont pour les plus grands des adolescents et sur les façons d’y répondre. D’ailleurs, les enfants soulignent « les améliorations » des parents, les progrès au domicile en comparant avec le passé. Ils constatent les efforts que fournissent leurs parents pour modifier leurs pratiques et les adapter à la nouvelle réalité d’aujourd’hui. De plus, nous notons aussi que Fanny se montre plus affirmée et ne se laisse plus faire par les autres alors qu’elle avait tendance à se laisser influencer au début du placement. C’est une jeune fille qui dit aujourd’hui ce qu’elle veut, même si elle reste peu loquace. Sans doute est-ce la situation de se retrouver séparée de ses parents, de sa fratrie qui lui a permis de s’autoriser à prendre une nouvelle position de sujet.

 

Sami parle peu lui aussi comme son père mais il dit aussi confirmer que ses parents ont changé et souhaitent améliorer l’éducation qu’ils proposent à leurs enfants en étant plus dans l’échange et à l’écoute de ce qu’ils veulent. Sami participe aux échanges et à l’ambiance lors des visites, il interpelle joueur, souriant, son frère et ses sœurs. Marie est toujours débordante d’affection et de tendresse pour l’ensemble des membres de la famille et arrive à chaque visite avec un présent qu’elle a confectionné. Bavarde, souriante, elle se montre à l’aise lors des rencontres. Rémi au fil des visites révèle implicitement sans le dire qu’il admire son frère et que sans doute il devait l’envier car le père le sollicitait plus que lui. Aujourd’hui, parents et enfants évoquent leur joie d’avoir pu retrouver l’occasion de vivre ensemble un week-end par mois avant le retour définitif des enfants à la maison.

 

Pour conclure :

 

La décision de Sami de dénoncer les faits de maltraitance auprès du voisin a eu pour conséquence via l’intervention du juge pour enfant d’arrêter la jouissance des parents dans leurs actes maltraitants envers leurs enfants en ordonnant le placement et donc la séparation parents enfants. L’accompagnement de cette famille a duré un an. Il semble que cette expérience douloureuse de séparation forcée ait permis à Madame d’élaborer sur sa position en tant que parent. Elle a pu nommer ses limites dues à son handicap mental et il semble que bien que son mari la soutienne au quotidien Madame ait eu son mot à dire et ait permis à son mari de réviser leur fonctionnement malgré les non-dits auxquels Monsieur s’est trouvé confronté pour dire la maltraitance qu’il a pu montrer à l’égard de son fils aîné. Toutefois, il est évident qu’ils auront besoin d’un soutien durant un temps avec par exemple une aide éducative à domicile. Il serait aussi bénéfique que chaque enfant puisse bénéficier d’un suivi psychologique en individuel. Madame propose aussi qu’ils puissent faire tous ensemble une thérapie familiale. 

 

La nomination du handicap de Madame, les propositions de revoir leur fonctionnement familial ont sans doute rassuré les enfants qui se sont permis de transgresser l’ordonnance du juge et de fuguer pour rentrer chez leurs parents. L’accompagnement de cette famille a finalement permis de comprendre et de dire la responsabilité des parents et de dévoiler le fonctionnement familial avec ses manques. Rappelons dans Note sur l’enfant (1) Lacan écrit que le symptôme de l’enfant se trouve en place de répondre à ce qu’il y a de symptomatique dans la structure familiale.

Nous pensons que si Sami consent à commencer une psychothérapie, c’est dans cet espace qu’il pourrait poursuivre un travail d’élaboration sur ce qui le pousse à agir voler et mentir et ainsi nommer progressivement ses passages à l’acte, ses fugues et construire ainsi son symptôme.                                          

  1. Lacan J., Autres écrits, Paris, éd. du Seuil, 2001, p. 373